CHANTS DE L'AURORE.

Le chant de la nuit Le test naïf Être sure
Le miroir L'horizon Un petit trait
Dormeur Lucarnes Quelles excuses
étaphoree Parler L'élu
Un nouveau sentiment Homofutur Du virtuel
Le combat éternel Fable Morne vie
Un mort Un tueur professionnel Antichambre
Le fil Se donner la mort la perfection n'est pas...
L'albatros Miface La Solution
Men-songes Devoir et obligation La découverte capitale
Le briquet L'enfant gâte Ma petite balle rouge
La folie La faim La peur
Egoïsme L'orgueil La première fois
La justice Le chien Sans amie
Nobles passions Fission Et si maman?
Classes Dolcae vitae Le bucher
Chant de l'aurore

Par Tuan Kuranes

DIXOLE:

DIME, BUEN HOMBRE LO QUE PREGUNTARTE QUERIA...

(ROMANCERO GENERAL)

« Devant moi, l'ombre de la mort, c'est la vie... »

LE CHANT DE LA NUIT.

« Sur un arbre, chantant les vertus de la belle nature,

Se pose un oiseau aux ailes chatoyantes,

Sur lesquelles se reflète la nuit étoilée et pure.

Sous ces diamants éclatés, commence une musique ondoyante,

Le monde se tait, laissant le voile blanc du silence s'imposer.

Le chant s'étend d'arbre en arbre , sur toute la planète.

Il nous révèle le sens et montre la vie comme une grande fête.

Chacun y découvre son destin , et ce qu'il a comprendre

Sans crier ou répéter avec la lassitude de qui doit se rendre.

N'oublie pas toutes ces rages inefficaces, les folies du mal,

de l'égocentrisme, rappelle-toi cette force qui nous habite

inconsciemment, n'oublie jamais le puissant râle

Du beau paysage, les senteurs des fleurs, la bêtise du vite,

De ceux qui préfèrent rire des autres que de se regarder...

Puis vient l'aube, qui chatouille nos sens pour que l'on

Reprenne notre essence. Et maintenant ainsi préparé

le monde va s'activer, même si les gens ne sont

Que des pantins du hasard, jusqu'à l'oubli

De leur rêve, la nuit, où tous se détruisent ardemment.

Puis reviendra ce rêve, qui nous conseille pour la vie,

Grâce à sa beauté et à sa puissance. Mais maintenant,

Les rêves sont tournés vers l'intérieur et il n'y a plus de voix.

L'oiseau mourra bientôt, essoufflé d'avoir chanté.

Et si rien n'est fait, les hommes mourront comme il se doit...

LE TEST NAIF.

" Excuse-moi, je dois te tuer. Tu sais, moi aussi, il faut que je survive. Et pour que je survive, tu dois mourir. L'hiver arrive et je dois me chauffer. J'ai beaucoup réfléchi avant de me décider. Désolé. Ne t'inquiètes pas, je te découperais vite. " Et le jeune homme souleva haut sa hache, attendit quelques instants et la fit retomber... dans le sol.

" Je n'ai pas pu. Je ne te tuerais pas. Je n'ai pas le droit de te tuer, car après tout, je ne t'ai pas donné la vie! Alors pourquoi aurais-je le droit de te la reprendre? Je me chaufferais avec mes couvertures, tu vivras longtemps encore, et sûrement plus que moi, d'après ce que m'a dit le Livre. " Il tapota affectueusement le tronc du grand chêne avant de retourner dans son habitat de survie, qu'il s'était confectionné grâce aux bons conseils du Livre.

Il s'adressa à lui avec colère: " Tu es méchant avec moi, je ne t'aime plus! Je préfère encore l'arbre à toi, lui ne m'énonce pas plein de principe d'amour pour me conseiller ensuite de tuer pour survivre, sans jamais me parler directement, comme tu le fais. Lui ne m'a pas parlé vraiment, mais il m'a bien fait comprendre son amour. Je me sentais entouré par tout ce bois et ces feuilles. Je ne pouvais pas le couper! "

Le jeune homme pleurait maintenant, laissant un désespoir croissant se révéler enfin.

" Pourquoi tu ne me dis rien? Pourquoi? Je ne veux plus de tes leçons sur des généralités, sur l'humanité. Je veux que tu me parles comme à un homme. Grâce à toi, j'ai découvert comment survivre. Grâce à tes signes bizarres, tes dessins et tes schémas, tu m'as appris tout ce qui existe. Tu m'as appris à te lire, à te parler... Mais je n'ai jamais pu t'apprendre à parler, à me parler... J'en ai marre. Tout le temps, je suis tout seul! Rien n'est comme moi, ici. Je parle avec tout ce que je vois avec clarté, mais personne ne me répond vraiment... c'est moi qui pense avoir trouvé une réponse, alors qu'il n'en est peut-être rien! "

Dans sa douleur, le jeune homme souleva le livre et le jeta au loin avec rage. Il prit sa hache et le tua. Il se mit à courir dans tous les sens en hurlant des mots incompréhensibles. Il était devenu fou.

Le savant, apparemment le meneur de projet, se leva et éteignit les écrans de contrôles, avant de prendre la parole:

- " Messieurs, le test a été concluant. L'homme ne peut vivre ou survivre seul. Il devient vite fou et incapable de la moindre vie. "

Un autre savant se leva avec colère pour protester:

" Ne tirons pas de conclusions hâtives. Il n'était pas seul. Il y avait le Livre. Sans le livre, il aurait peut-être survécu. Je demande un autre test pour nous en assurer. "

Après un rapide vote de l'ensemble des scientifiques présents, il fut décidé de refaire un test. Un nouveau-né humain, de deux kilos cinq, en bonne santé, fut déposé dans la zone de test, seul. Pour être testé. La jeune aide qui le déposa pensa qu'il avait de beaux yeux bleus, dommage...

ETRE SUR.

Alors que j'étais installée sur mon tas de pierres préférées, devant le superbe paysage de ma campagne natale, est survenu un événement si extraordinaire, si beau et si fort que j'en suis restée marqué à vie.

Juste à côté de mon trône de pierre, se dressait un olivier, un de ces magnifiques spécimens mesurant au moins quatre fois ma taille de l'époque, c'est à dire à peu près six mètres. Il était neuf heures, le soleil s'apprêtait à se coucher, lançant ses derniers rayons couleur d'or sur le calme surnaturel de la campagne de ces moments-là ... Quand mon olivier se mit soudain à s'agiter, comme remué par une terrible tornade. Mais il n'y avait pas de vent! Des couleurs merveilleuses emplirent alors le ciel, dessinant un tableau magnifique, auréolant une forme encapuchonnée, apparu je ne sais comment sur l'arbre majestueux: Devant moi se dressait notre Messie!

Moi, pauvre fille d'à peine dix ans, j'ai eu l'honneur et la joie de recevoir la visite de notre sauveur! Ébahie, je ne pouvais proférer une seule parole. Il me dit alors de sa voix douce et chantante:

" Ce jour restera gravé en ta mémoire car à tous tu devras porter le message de Dieu. Bientôt, viendra le jugement dernier où chacun craindra Dieu comme il se doit. Ta vie est toute tracée. Prie et répands la bonne nouvelle, car les hommes sont incrédules et égoïstes. Montre-leur l'amour et l'exemple. N'oublie pas! "

Ce ne sont là que des pâles reflets des paroles saintes, entendues il y a si longtemps déjà . Maintenant, je suis si vieille et si lasse... Tout cela n'est que souvenirs brumeux, presque semblables à des hallucinations. Et je ne sais plus si j'ai vraiment eu cette apparition ou si je me suis inventée de quoi transformer ma vie banale et si difficile à mener en une destinée toute tracée, sans aucune de ces libertés si angoissantes. Cela aurait été si facile...

Mais ai-je accompli>

LE MIROIR

Sans doute l'objet le plus regardé au monde, jamais vu pourtant. Étrange, il attire comme par magnétisme les regards et il peut même devenir l'objet central d'une vie, par une contemplation assidue. Pire qu'une drogue en cas de manque, il peut provoquer des troubles nerveux, vestimentaires ou capillaires; comme une drogue, il permet de faire preuve d'existence à certains; moins bien qu'une drogue, il aide à résoudre des problèmes... Il a toujours existé, et existera tant que la vie sera là .

Beaucoup le maudissent, quelques-uns le vénèrent, peu l'ignorent. Objet de joie, de souffrance et même d'onanisme. La fille, l'adolescente, la femme et la dame utilisent cet appareil de mesure de leur âge, avec chaque fois le même résultat: jamais contentes! Le garçon, l'adolescent, l'homme et le monsieur l'utilisent pour mesurer leur vigueur, avec le même résultat. Pourra-t-on un jour décrire l'immensité de son pouvoir sur l'esprit humain?

Pour en avoir un avant-goût, placez-vous devant et essayez simplement de ne pas vous regarder au travers...

Peut-être devrait-il être supprimé. Mais personne ne se rends compte de son pouvoir tellement il nous subjugue. Il conditionne la société tout entière. Créer un groupe terroriste?

Nous ne pourrons jamais briser tous ces reflets.

Que faire?

L'homme serait-il entièrement maîtrisé par cet objet?

L'HORIZON

De blanches nuits en mornes journées écrasantes, ma vie n'a été qu'une longue pause. Autour de moi, le peuple s'agite constamment sans jamais s'ennuyer. Que faire?

Rien, car je suis un esprit vite assombri: Dès que je commence à agir, il me vient toutes sortes d'idées vraies, de réflexions sur mon acte si futile comparé à l'ordre de l'univers. Ainsi, mon acte me paraît trop absurde. Donc je m'empresse de m'arrêter. Beaucoup me reprochent cette attitude, par eux nommée fainéantise. Je leur réponds avec cette question:

" - Croyez-vous vos vies si essentielles? "

D'un air exaspéré, ils partent sans chercher à me comprendre. Qu'il en soit ainsi! Après tout cela aussi n'a aucune importance, puisque tout est vain. Mais trop souvent je regarde les autres s'agiter désespérément, comme pour se rassurer. Et trop souvent, je les vois sourire, rire ou être tout simplement heureux.

J'avoue: je les envie!

Alors que faire? S'agiter et profiter de ces bonheurs futiles? Malheureusement, la motivation me manque pour m'agiter. J'ai peur de troubler l'océan profond et clair de l'ordre établi>

Toutes les antennes se tourneraient alors vers moi et je devrais user de mes six pattes pour m'enfuir au loin. Peut-être même vivre en-dehors d'une fourmilière. Il y a trop d'agitation ici. Et tout ça pour quoi? Rien.

Il existe des millions de fourmilières dans le monde; les fourmis extérieures me l'ont dit.

Quelle importance peut avoir la vie d'une fourmi?





UN PETIT TRAIT.

L'homme entra dans la pièce sombre, joua avec l'éclairage, s'installa dans un fauteuil, regarda un instant un écran illuminé de mille couleurs, leva les yeux pour contempler un plafond morbide, et s'endormit enfin.

Une jeune fille poussa la porte. Elle s'assit par terre. L'homme ne bougeait pas, ne semblait pas l'entendre, et ronflait de façon spasmodique. La jeune fille regarda la télé. Elle l'éteignit bientôt. Elle ne voulait pas se laisser entraîner. Il était si facile de succomber. Elle était forte. Elle se leva. Elle fit tomber le cendrier dans son mouvement. Sa chute réveilla l'homme. Il se réveilla en pleine forme, salua sa fille avec une joie sincère, l'entraîna prendre un goûter, et discuta de tout et de rien avec elle.

La femme arriva bientôt pour se joindre à eux, malgré sa lassitude, malgré tout son travail et même malgré son régime. La jeune fille parla. Elle allait bien. Elle était pleine de joie. Elle était jeune. L'homme écoutait tout en mangeant, avec la ferveur d'un père attentionné, et alla même jusqu'à lui poser quelques questions. Elle répondit avec grâce. Elle le rendait heureux. La mère intervint malgré sa bonne volonté pour que l'on prépare le dîner, malgré le four cassé, malgré le peu à manger. L'homme ne sut que faire de lui, rangea quelques objets, mit le couvert. La mère, malgré elle, l'aida. Ils mangèrent avidement, parlèrent peu et allèrent dormir d'un trait, d'un petit trait...





Dormeur.

Les questions que tout le monde se posent, les problèmes honteusement cachés, les atrocités de la vie, le bonheur caché derrière les plaisirs commerciaux, qui vous les rappellera si simplement ? Chercheriez-vous à les oublier ? Alors, pour toi le bonheur que tu cherches à tâtons est derrière toi. Va donc lire tout de suite la fin, ou peut-être l'a tu déjà fait ? Crois-tu avoir tout compris, connaître tout ce qu'il te faut, être le meilleur ?

Moi aussi, je l'ai cru, puis j'ai eu la chance de parler à un homme très sage. Et j'ai vu l'homme le plus intelligent se déclarer le plus idiot de tous. La sagesse, c'est l'humilité. J'espère que vous le comprenez ou que tu le comprendras. Sinon, ouvrez toujours votre esprit à de nouvelles expériences. Mais vous n'êtes pas en train de lire pour ces principes de vies, vous voudriez connaître la suite de cette histoire bizarre.

Alors, imaginez-vous dans une chambre blanche sentant la sécurité, avec dedans une femme en train d'accoucher douloureusement. Placez-y aussi une vieille sage-femme aux yeux pénétrants, et un mari inquiet.

Il appréhende le sexe de son enfant.Eneffet, son aîné devra être un garçon unique, sinon sa réputation en prendra un coup. Il tient dans sa main l'objet rédempteur. Enfin la naissance a lieu. Deux nouveaux êtres ont la chance de voir le monde, leur mère, leur père. Ils crient de bonheur. La mère épuisée les regarde, attendrie, les prend en pitié. Les deux petites filles tendent les bras comme pour avoir une prise sur le monde. Le père avance comme dans une célébration solennelle, transperce les deux fontanelles*. La mère, ou plutôt la femme pleure. Le père, ou plutôt le mari, s'en va, non sans avoir frappé sur la femme fautive. La sage-femme est partie depuis longtemps, par précaution. La chambre est vide, seulement remplie par les sanglots de la femme, plus de cris, plus d'agitations, plus d'espoir.

Jamais horreur aussi grande n'aura été ressentie par une personne. Voilà ce qui est indicible, innommable. Il faudrait pouvoir l'empêcher, dites-vous ? Ou alors, vous pensez que ce n'est qu'un délire d'écrivain. Non, ici, je l'affirme : c'est vrai. Et nous n'y pouvons rien. Cela arrive peut-être en ce moment, sous une forme à peu près similaire. Mais ces choses-là personne n'en veut, c'est trop horrible, La vérité c'est que beaucoup le font. D'ailleurs, peut-être avez-vous déjà rencontré un de ceux-là . Vous lui avez serré la main sans douter aucunement de sa bonne foi. Vous avez peut-être même couché(e) avec lui... Quel besoin avais-je de dire tout cela ? Quel est le rapport ?

Messieurs, mesdames, et vous les enfants, sachez que je porte tous les jours un énorme fardeau : J'ai l'impression de voir ce que les autres ne voient jamais. Alors je m'empresse de leur montrer. Mais, aussitôt, malheureusement, ils me rejettent. Prenons un exemple : une jeune fille se fait agresser dans le métro. Figurez-vous que je suis le seul>

Toutes les nuits, les gens rêvent, tous les jours, les gens dorment. Je voudrais pouvoir les réveiller. Mais c'est peut-être un rêve éveillé.







LUCARNES.

Dans ma demeure, il y a deux trous étranges comme des fenêtres. C'est de là que vient toute la lumière. Mais ces trous sont difficiles à obscurcir. Évidement je peux les plâtrer, et ne plus jamais pouvoir regarder au-dehors... Je préférerais pouvoir les fermer de temps à autre, et profiter de l'obscurité. Malheureusement, dès leur fermeture, une envie irrésistible de dormir me prend dans ses bras douillets, auxquels je ne sais résister.

Jamais je ne peux contempler mon intérieur, la lumière des trous m'éblouit trop, et le sommeil me prend avant d'avoir pu m'habituer à l'obscurité s'ils sont fermés. Ha! Je déteste mes yeux, ces lucarnes gênantes.

Le mensonge de Dieu.

Mon père se tourna vers moi, avec un air grave que je ne lui avait jamais vu:

" Et si tout ça n'était qu'un mensonge? Le mensonge de Dieu, pour nous cacher l'horreur de l'existence. Et l'homme, sans cesse aurait cherché à détruire ce mensonge, dans l'espoir de révéler la vérité. De nombreux mensonges sont apparus depuis lors. De nouvelles théories scientifiques se sont liguées contre elle. L'homme va affronter bientôt la réalité, en mourra ou deviendra Dieu. Mais la première alternative est la plus probable, car l'humanité n'est toujours pas capable de dire si le mensonge est moral."

Il a détourné le regard et je sais maintenant qu'il pleurait. Je me suis tu. J'avais envie de pleurer. J'étais impressionné, mon père ne m'avait jamais parlé comme cela. Alors il m'a regardé à nouveau, et m'a dit:

" Écoutes-bien, je vais te donner le secret du bonheur. Le bonheur c'est le changement. Par exemple, si tu as froid et que tu vas près du feu, tu connais le bonheur pendant quelques instants. Ce n'est pas le plaisir, mais bien le bonheur. Il faut changer tout le temps, ne jamais s'arrêter. Et quand ce n'est plus fortuit mais volontaire, c'est parfait. C'est tout. Le reste n'est que " fou-thèses " inutiles. Essaye quelques temps, tu verras."

Et il est parti. Il n'avait jamais cru au paradis après la mort. Pourtant, j'espère qu'il y est! Je voudrais maintenant le remercier de ces conseils extraordinaire. Je me demande encore pourquoi il ne me les a révélés que sur son lit de mort...

FOI.

Sous ces clochers enneigés s'étaient acharnés des milliers d'hommes plein de ferveur, dont il ne restait que des traces fantomatiques. Car maintenant seul>

J'étais venu seul>

Rien. Aucune prière n'est venue. Je ne pouvais penser ou proférer aucune parole. Impossible. Le sang me montait aux joues, des larmes de rage me brouillaient la vue et mes entrailles se nouaient d'une angoisse insupportable.

J'étais incapable de prier! Les yeux de Jésus semblaient me damner à jamais, tout comme le vent qui hurlait mon hérésie. La nuit venait, toujours sans aucune parole. Incapable du moindre mouvement, j'étais vide, inexistant. Les dernières lueurs du crépuscule éclairaient par taches rougeoyantes le corps meurtri de Jésus. Mais je ne savais pas ce que je pouvais faire. Pourquoi vouloir prier? J'en étais incapable, tout simplement. Mes pensées se formaient petit à petit, formant une nouveau sentiment, la haine...

Qu'attendaient tous ces hypocrites de moi? Que je les sauve? Ha! Jésus n'avait pas besoin de mes prières. Tous les autres l'avaient compris et avaient déserté la vieille église. Même délabrée, elle restait froide et inhumaine. Je n'étais qu'un intrus dans le néant, comme si ma présence n'était pas ridicule et ô combien orgueilleuse! Au bout de quelque temps, je me suis levé, frigorifié et dégoûté. Sur le chemin du retour, j'ai retrouvé la vie, la vraie.

Je suis maintenant un bon père... de famille.











QUELLE EXCUSE?

Comme d'habitude, le voyage en train était monotone. On n'y peut rien, coincé dans cette cage assourdissante. Ma fille, alors âgée de sept ans, dessinait avec passion des fleurs de toutes les couleurs. Elle devait en être à sa centième. Pourtant, elle ne s'en lassait pas, et s'amusait toujours autant.

Ha! Comme j'aurais aimé être une jeune fille aussi innocente et joyeuse... Le train entrait en gare de C...

Soudain, un ivrogne s'élança dans le compartiment pour s'affaler lamentablement sur la banquette. EN FACE DE MA FILLE! Je ne pus m'empêcher de le remarquer, et ce n'est pas une question de préjugé: Ma fille est ma plus grande joie, et la plus fragile, alors qu'un ivrogne est imprévisible et en général, inconnu. Pour sa part il devait en être à sa deuxième bouteille, tellement il empestait la vinasse répugnante. Heureusement, ma fille ne le remarqua même pas, sans doute trop absorbée par ses dessins. Je décidais donc de l'ignorer, voire de l'oublier, espérant ne pas attirer son attention. Mes nerfs se détendirent peu à peu, grâce au morne défilement du paysage.

IL lui sauta dessus. IL se rua comme un fou sur MA fille. IL la frappa, hurlant un nom un cri incompréhensible. Surpris, personne ne réagit à temps.

Je le pris sans ménagement, bientôt aidé par les autres voyageurs, puis nous réussîmes à l'expulser hors du compartiment, le laissant assommé. Je l'avais frappé sans remords.

MA fille était en sang, elle criait, répandait des larmes ensanglantées sur ses beaux dessins colorés, et fixa soudain son regard d'enfant innocent sur moi. Ses yeux me demandaient pourquoi... Les autres voyageurs se mirent à contempler le paysage, comme s'ils ne voulaient pas voir ce spectacle pitoyable.

Il l'avait rouée de coup, sans raison autre que sa présence proche, et je devais lui expliquer, la réconforter et apaiser sa douleur. Surtout je devais lui expliquer! Mais comment expliquer CA à une fillette de sept ans, qui dessine des fleurs dans un train?

Comment cela peut-il arriver? Comment lui expliquer qu'elle n'a rien fait de mal, que Dieu ne lui en veut pas? Elle , si sage, si angélique même et si gentille avec les autres. Ce n'était qu'une enfant. Un adulte se serait fait une raison, aurait compris l'absurdité d'une telle mésaventure...

Je la soignais, la dorlotait, la berçait même... Rien n'y faisait, elle avait mal, très mal. La douleur semblait s'être atténuée, tandis que son incompréhension et sa peine ne faisaient que commencer... J'évitais son regard, de peur d'y voir cette immense tristesse. Elle ne trouvait évidemment aucune excuse à ce qu'il lui était arrivé. Moi non plus...

Je ne pouvais lui tenir le discours habituel: "Dieu veut te donner des épreuves pour que tu sois plus forte." Ce ne sont que des conneries incompréhensibles aux yeux d'un enfant et même quelquefois pour un adulte.

Depuis elle a beaucoup changé. Elle est devenue froide, distante, elle ne sourit jamais. Je ne l'ai plus jamais vu dessiner des fleurs.

Quelle excuse aurai-je pu trouver?











METAPHORE.

Souvent, quand je rencontre des gens, ma réaction première est de les tester, alors je leur demande de " métaphoriser " la vie.

Entre le puits sans fond, la bulle dans l'océan et la fleur qui pousse, on décèle vite les pensées profondes des autres.

Bref, le test idéal. Mais souvent j'ai peur de poser la question, vous comprenez pourquoi... Je vais vous décrire celle que je préfère:

Peut-être levez-vous quelquefois la tête pour voir le ciel dans toute sa splendeur de nuit ou de jour ? Imaginez une nuit étoilée. D'abord vous ne voyez rien, puis, peu à peu, les étoiles vous apparaissent dans leur beauté surnaturelle. Pour certains, la lune vous éclairera dès le départ. Souvent des nuages passent et vous cachent ces beautés, même la lune pourtant tenace. Le vent les pousse pour nous les refaire découvrir, car on les oublie bien vite.

Beau, n'est-ce pas ? Pour ceux qui n'ont pas l'habitude des métaphores, voici un petit dictionnaire : nuages=soucis ; lune=dieu ou amour ; rien=angoisse ; vent = état d'esprit ; étoiles...

Voilà une métaphore que vous pouvez admirer toutes les nuits, si vous levez la tête. Car malheureusement ou heureusement, beaucoup vivent sans jamais regarder au-dessus d'eux.

Rêve merveilleux.

Les marais, où il passait le plus clair de son temps, étaient un endroit dangereux, peuplé de bêtes atroces et de monstres effrayants. Pourtant, il aimait à y vivre. Peut-être par habitude. Et pour l'aventure. Il aimait l'aventure. La morne vie des villes surnaturelles, aux préoccupations absurdes, guidée par l'argent, invention de l'homme bien inutile dans la réelle nature, et où la seule peur, toujours non naturelle, est de se laisser aller à constater l'absurdité d'une telle vie. Il préférait de loin la solitude naturelle des marais, et la joie des combats grandioses pour survivre, à toute cette comédie urbaine. Sa jument, il n'en doutait pas, préférait comme lui cette vie nomade, cette liberté, à un destin tout tracé de bête d'attelage, par exemple.

Toutes ces pensées le confortaient, chaque soir et le rendait même un peu plus heureux à chaque fois. Le coucher de soleil achevait de le rendre béat à chaque fois, l'écrasant par sa beauté naturelle, l'emplissant de mille chatoiement dorés... Les citadins n'avaient ni le temps, ni la chance de connaître cela. S'en rendaient-ils seulement compte?

Le spectacle fini, il alla installer son campement d'un soir, allumer un feu et manger les racines bouillies et la viande de Gnou séchée. Pur délice du palais, inconnu des citadins, car le Gnou est laid, très laid. Et c'est la seule raison pour laquelle il n'était pas exploité. Mais lui, il ne s'en plaignait pas... Ainsi le Gnou foisonnait dans les marais . Sa jument aimait autant le Gnou que lui. De plus, la chasse au Gnou est un vrai plaisir. Le seul>

Mais pour l'instant, le feu, le Gnou, la jument tranquille et les magnifiques étoiles semblait pouvoir faire oublier tous les Spectors du monde. Mais eux, ne l'avaient pas oublié et contemplaient d'un oeil jaloux et globuleux ce festin royal. Leur stratégie, se basant sur leur nombre ( trois ), fut vite mise au point. Courir, tuer et manger, dans l'ordre de préférence...

Notre noble chasseur de Gnou n'avait pas manqué de remarquer les flops-flops caractéristiques du Spector marchant dans l'eau. Les Spectors perdirent vite l'avantage de leur stratégie complexe et durent se résoudre à combattre au corps à corps. Dans un éclair foudroyant, l'épée trancha la tête du premier monstre, laissant un corps inerte bouger quelques instants encore avant de le transpercer. Mais le second Spector avait attrapé le bras de notre héros, qui l'envoya voler d'un coup sec. Le troisième fila sans demander son reste, sur ses quatre petites pattes, et rentra dans son terrier, après avoir obstrué l'entrée avec une dizaine de brindilles.

Notre héros, contemplant la minuscule morsure du Spector, décida de l'ignorer et se dit une fois de plus qu'il avait besoin d'un chien pour chasser ces bestioles. Mais il n'en était pas à la fin de ses aventures. Un cri de femme, auquel le coeur de notre vénérable ami ne pouvait résister longtemps.

Il sauta sur sa fidèle compagne pour parcourir dans un galop flamboyant la dizaine de mètres qui les séparaient. Une femme, donc, nue dans la boue, évidemment, était assaillie par des Spectors. D'un coup d'épée théâtral, il les réduisit à néant. Et dans la foulée, défit son pantalon et enleva son haut avec promptitude.

Il la recouvrit avec ses habits pour la ramener au plus tôt parmi les siens. Il ne voulait pas avoir beaucoup d'enfants et vivre sans jamais être inquiété. Il aimait l'aventure, et la chasse au Gnou.

Et puis , de toute façon, elle avait dit non...













PARLER

.

"- Il fait longtemps, n'est-ce pas?

- Oui.

- J'ai eu mal, très mal.

- Moi aussi.

- Je ne pouvais penser sans t'avoir dans mon esprit. Toujours et encore, tu emplissais ma tête.

- Mais c'est fini, non?

- Oui.

- Alors?

- Je ne sais pas.

- Pourtant nous nous sommes aimés! Pourquoi cela ne continuerait-il pas?

- Je ne sais pas.

- Quel est le plus important, être heureux en s'aimant un peu, ou être malheureux en s'aimant passionnément?

- J'aime l'amour. J'aime le bonheur. Je ne les connais pas totalement.

- Mais tu les connais, alors?

- Je ne sais pas. Préfères-tu voir quelqu'un heureux ou être heureux toi-même?

- Être heureux.

- Égoïste!

- Non, réaliste.

- Pessimiste!

- Non, tout le monde est comme moi. Toi y compris. Alors tu m'as compris...

- Je ne t'ai jamais compris.

- Que veux-tu, au juste?

- Crois-tu en Dieu?

- Réponds à ma question, s'il te plaît!

- Non.

- Alors au revoir.

- Non.

- Ah?

- Adieu. "



L'ELU.

Il la connaît par coeur, depuis déjà des années, il n'en a jamais vu d'autre. Chaque jour est rempli

Heureusement aujourd'hui, c'est différent. Un nouvel intrus s'est glissé dans son domaine. Une bête à quatre pattes, toute petite, avec un long museau terminé par une boule noire qui renifle sans arrêt. Alors que le cheval va pour s'amuser avec lui, celui-ci sitôt qu'il l'aperçoit, se cache sous ses épines pointues. Intrigué et contrarié, le cheval essaie par petits coup de sabots de le réveiller, de montrer son amitié. Mais ce fou reste caché et tous les efforts du cheval sont vains. De rage, il se cabre, hennit et envoie le pauvre hérisson dans un piquet.

Il le tue.

Et les jours continuent de couler de plus en plus lentement. Avec cet ennui se mélange le remords. Jour après jour, il est seul. Mais après une éternité insoutenable, l'homme qui le nourrit se décide à lui montrer le monde. Dès lors, le cheval s'émerveille et croit enfin au bonheur. L `homme est très gentil , lui donne beaucoup d'avoine, le flatte...

Le cheval voit ses compagnons de race nager aussi dans le bonheur.

Puis il remarque la mine réjouie de son maître et se sent encore mieux.

On l'amène dans une cabane, puis dans une petite cage, Mais il reste heureux car tout cela est nouveau pour lui.

Beaucoup de bruit, beaucoup de monde, puis, tout d'un coup, plus rien.

UN NOUVEAU SENTIMENT.

Histoire d'une pendaison: La foule compacte formait une allée inquisitrice, où marchait tranquillement un seul>

Mais dans leurs yeux, il vit soudain une lueur qu'il n'avait jamais vue avant, une lueur surgie des profondeurs oubliées de l'esprit. Ce n'était pas de la haine, pas encore oubliée, mais une admiration assez surprenante, teintée d'une jalousie inavouée. Tous ces regards étaient comme aimantés par son avancée. Pourtant il restait extraordinairement calme, plongés dans ses réflexions: pour quelles raisons pouvaient-ils l'adorer comme des fanatiques? L'envieraient-ils?

Il ne comprenait pas. Il s'arrêta, et se plongea dans la marée humaine d'yeux fixés sur lui. A sa grande surprise, une envie latente colorait incroyablement tous ces yeux, d'habitude si inexpressifs. Inconnu, cet homme ne leur était pas attaché, et ainsi leur curiosité dominait toute bienséance, laissant la fascination, l'envie illuminer leur yeux.

Qu'importe tout cela, maintenant? Il avança, laissant la foule se refermer sur lui, monta sur l'estrade en bois. De là il caressa la foule de son regard une dernière fois.

Ils étaient tous pareils! TOUS. Ils n'étaient qu'un. Avec lui, cela faisait deux. Et l'un enviait l'autre comme jamais il ne l'avait fait. Le silence se fit entre eux.

Et, toujours calme, l'un fut mis à mort par l'autre.

HOMOFUTURE.

J'espère que papa et Papa ne sauront pas que je suis allé de l'autre coté du mur. Ils m'ont interdit d'aller dans le monde féminin, les femmes sont mauvaises et dangereuses pour l'homme. Mais j'ai décidé d'aller vérifier par moi-même, en empruntant le Conduit, l'endroit par où les bébés masculins sont échangés contre des tubes de semences. Les femmes ne sont bonnes qu'à féconder, comme dirait Papa. Mais je veux voir comment sont nos ennemies, et surtout si elles ressemblent aux monstres difformes des histoires de mon enfance. Emprunter le Conduit n'a pas été difficile, tant les hommes l'évitent. Et maintenant que je débouche sur le monde des femmes, je me demande si tout cela est bien raisonnable... Heureusement, ma curiosité a depuis longtemps réduit ma raison à l'esclavage. Dehors, personne. Bien. Elles doivent aussi éviter l'endroit, comme si le sexe était transmissible. Attention, des bruits de pas. Une Femme!!

Elles n'ont pas d'ordre à me donner. Si je n'aime pas les filles, c'est mon affaire, et Maman ou maman n'ont pas à essayer de m'arranger avec des filles si je ne les aime pas. Depuis que j'ai vu cette photo d'homme, à la bibliothèque, je sais que je ne pourrais aimer qu'un homme, bien qu'elles pensent que ce soit ma crise d'adolescence, selon laquelle j'aurais décidé d'être anticonformiste. Ce qu'elles sont intolérantes, elles qui critiquent l'intolérance des anciens temps contre les homos... Tiens, je ne me suis même pas rendu compte que mes pas m'ont guidées vers le conduit. Mais...

Oh, non, elle m'a vu... Les Femmes vont me tuer!

Un Homme... Sont-ils tous aussi beaux?

Mais pourquoi j'ai chaud comme ça alors que je n'ai pas peur. J'ai envie de lui parler, voudra-t-elle?

Mon Coeur! Pourquoi bat-il comme ça? Je n'ai pas à avoir peur de lui, je peux le faire arrêter d'un cri. Et s'il voulait me parler, Peut-être verrais-je si je ne suis pas une fofolle (nom donné aux non-homo), et ainsi je ne vivrais plus dans le doute, mais dans le bonheur.

Elle et Il parlèrent et s'aimèrent, malgré tout.

Du virtuel

Grâce à un ordinateur, nous sommes maintenant capables de recréer des univers parfait, où tout concourt au seul>

Cette perfection séduisante donne l'impression d'une vie nouvelle envisageable, une vie virtuelle heureuse assistée par ordinateur. Cette crise du réel n'est pas la première: déjà la télévision, les livres ou les jeux de rôles l'ont fait connaître, ainsi que les drogues... Mais ici, l'univers virtuel est si bien adapté aux fantasmes humains que le réel paraîtra bien fade et morne. Qui n'a pas rêv@?à de vivre dans un autre monde, un monde merveilleux où tous les désirs se réalisent sans effort?

Ce phénomène est bien plus dangereux, car peu de gens se rendent compte de ses effets néfastes. Il s'agit d'un virtuel bien plus plaisant que le réel, dont les défauts sont invisibles, et le bonheur illusoire omniprésent. Enfin, qui pourrait affirmer que nous ne vivons pas dans un monde virtuel dont l'ordinateur serait "Dieu"?

Cependant, si ces mondes virtuels se cantonnent dans leur rôle de loisirs, au même titre que la télévision, le livre et les jeux de rôles, ils sont loin d'être néfastes. Car ils permettent de relativiser, de connaître des expériences nouvelles: ils nous font évoluer. Dans le cas contraire, ils arrêteront l'évolution de l'humanité comme si le monde entier se droguait.

Le problème est donc de taille, et c'est un nouveau défi jeté à l'humanité. Car, pourquoi ne vivrions-nous pas dans des caissons de maintenance physique, pendant que nous voguerions de monde en monde, de bonheur en bonheur... Car le but de l'homme est bien d'être heureux, non? Plus le progrès sera grand, plus cette question sera d'actualité. Que faire? Annoncer au monde que le bonheur existe dans le réel, cela fait des siècles qu'on le dit... Car je pense que le bonheur sera toujours plus grand et plus fort que ces pâles substituts. Il demande peut-être un peu plus d'effort que d'allumer un ordinateur, et encore...

LE COMBAT ETERNEL.

Comme le soleil se couchait paresseusement sur la plaine, ma chambre s'emplissait d'une myriade de couleurs chatoyantes, écrasant ma volonté pour la dernière fois. Le spectacle fini, mon angoisse revint avec encore plus de vigueur, me nouant les entrailles et m'asséchant la gorge. Aujourd'hui, j'allais peut-être mourir. Ma nuit a été peuplée de peurs insensées et de souvenirs mélancoliques. Ce n'était que tardivement que je pris conscience que tout le monde ne rêvait pas, et que seuls les rêveurs concevaient passé et futur.

J'étais un rêveur. Aujourd'hui, je devais donc combattre le livreur de bonheur, quand il viendra à la ferme pour dispenser ustensiles de remplacement, jouets amusants et prédictions rédemptrices. Rares étaient les cas où les rêveurs n'allaient pas combattre, et restaient condamnés à jamais dans cette vierge plaine, seulement dénaturée par de petites fermes paisibles de communautaires heureux.

Ici, la vie n'était que Travail et Amour, quelquefois entrecoupée de grandes fêtes joyeuses. Les tempêtes, les révolutions et les guerres n'avaient pas de place dans ce monde tranquille. La beauté était quotidienne, il suffisait de bien vouloir lever la tête. En effet, révélée par de superbes cieux, elle éclairait sans cesse une vie de bien-être au présent. Le temps n'étant pas partagé, les hommes vivaient instantanément, suivant les conseils du livreur.

Je n'avais pas cette chance. Comme tous les rêveurs, angoisse de vivre; questions existentielles insolubles et abstractions inutiles étaient mon lot quotidien de pensées déprimantes. Selon la loi du livreur, nous devions combattre pour devenir heureux comme les gens d'ici. Ceux qui n'en étaient pas morts formaient un groupe à part, mi-rêveurs mi-heureux, et constituaient les chefs, planificateurs du temps des intemporels.

On ne naît pas spécial, on le devient. Vers l'adolescence, les premiers symptômes se montrent. D'abord l'enfant demande: " Pourquoi? ", puis se rendant compte que personne ne peut lui répondre, il se met à chercher des réponses auprès des rêveurs, qui n'arrive qu'à le pousser à se poser de nouvelles questions sans réponse. Les autres ne comprennent pas, et ne voyant aucune joie à ces questions, ils abandonnent ces fous à leur triste sort. Le rêveur pleure, gémit et se lamente jusqu'à l'arrivée du livreur qui lui propose le combat. La mort ou une nouvelle vie, voilà l'unique solution du livreur, arme bien étrange face aux rêves. Et cette nouvelle vie proposée, inconnue, parait bien plaisante aux rêveurs audacieux, qui l'a déjà visitée en rêve...

Ne nous méprenons pas, ces étranges entités qui peuplent nos nuits ne sont pas les fantasmes habituels des égoïstes dormeurs. Le soir, alors que la fatigue se fait lourdement ressentir et que notre attention décline doucement, notre esprit se ferme à l'extérieur pour se focaliser sur notre intérieur. Frustrations, espoirs secrets et peurs apparaissent, enfin avoués. Quelques uns appellent ces fantasmes des rêves, faute de n'avoir connu les vrais. Ceux-ci ne sont donnés qu'à de rares élus. Pas des chanceux, des élus, victimes du destin. Nous vivons quotidiennement dans un monde hostile et ennuyeux. Souffrants, nous errons comme des animaux en cage, attendant un quelconque salut qui ne vient pas. Car les rêves ne viennent pas toujours, faisant de nous de véritables drogués en manque. Mais les rêves sont si beaux...

Bien qu'indescriptibles à ceux qui ne les ont jamais vécus, je vais essayer de vous les expliquer. Imaginez que toutes vos envies, vos peurs et vos douleurs n'existent plus, vous n'êtes plus qu'un pur esprit, libéré de votre corps physiquement contraignant. Totalement coupé du monde, comme par un casque, vos sentiments et pensées sont partis, laissant votre esprit vide. Subitement votre âme se remplit de tous les effets du beau, de l'extraordinaire. Pas simplement de l'exotisme ou un monde qui satisferait jusqu'à vos plus basses envies. Car l'âme se débarrasse de ses désirs, de son éducation et même de la plus petite habitude apprise...

Le rêve n'est pas une abstraction, mais une réalité qui vous habite sans se soucier de vous. Otez de vos esprits toutes idées de paysage, de beaux souvenirs ou autres images du même acabit. Le rêve, c'est l'inconnu. A la fois idée, émotion et sensation, le rêve est inoubliable et pourtant on ne peut s'en souvenir sans le dénaturer en un pâle reflet. Vivre partagé entre rêves capricieux et mornes journées est pure folie, le livreur est donc le guérisseur de nos folies, destructrices du bonheur ambiant. Je devais donc me préparer au combat salvateur contre le livreur de bonheur. Trop inexpérimenté pour le battre à mains nues, je cherchais un moyen autre pour le battre. La création est le privilège des rêveurs et j'allais l'utiliser à bon escient, pas comme autrefois...

Car la plaine tranquille vivait libérée des affres du progrès inutile. Loin d'apporter le bonheur, il met les hommes en esclavage. Il était donc banni. Pourtant, à intervalles réguliers, il se trouvait des rêveurs pour inventer des ustensiles plus pratiques, plus performants. Tous les autres le félicitaient de sa créativité originale, et lui expliquaient qu'ils n'avaient aucun besoin de neuf, puisqu'ils étaient heureux avec ce qu'ils avaient. Mais le rêveur, l'éternel insatisfait, voulait toujours imposer son invention malgré les autres. Je me souvenais de ma première invention.

Un jour de moisson, mon père et moi rangions les bottes de foin dans la grange. Une paille particulièrement pointue blessa mon père jusqu'au sang, et l'obligea à aller se faire soigner par ma mère. Devant l'ampleur de la tâche, Je ne pus que chercher un moyen d'aller plus vite. J'avisais un bâton qui se terminait en quatre pics, permettant ainsi une meilleure prise sur le foin et facilitant son déplacement. A l'aide de ces multiples pics, le foin se soulevait en tas beaucoup plus gros qu'entre mes seules mains. Le soir, fier de moi, je racontais mon exploit à la ronde, quand mon père surgit, brisa mon bâton sur son genouu et me demanda de ne pas compliquer une vie si simple.

Depuis, mes inventions salvatrices sont soigneusement cachées, de peur qu'elles soient à jamais détruites...Mais maintenant je devais trouver quelque chose pour combattre l'invincible livreur. Jamais personne n'a pu ou n'a osé le tuer. Gagner le combat, ce n'était que le dominer ou le blesser, alors que lui tuait sans remords... C'est pourquoi je devais trouver une arme qui le tuerait sûrement. Il me fallait un objet pointu comme cette fameuse paille, solide comme le roc et léger malgré tout. Je me sculptais donc deux solides pics de bois, aux tranchants et aux pointes acérées. Mon arme était prête. L'heure était venue de m'en aller au combat.

Sur le chemin, j'essayais de m'égayer en pensant à mon unique bonheur, ma petite muse, ma source de courage.

Contrairement à moi, elle n'était pas rêveuse, et cette différence m'attirait vers elle. Sa vivacité du présent me réconfortait. Toutes mes grandes questions se brisaient contre ce bloc de bonheur résistant. Elle me donnait des réponses si simples qu'elles en étaient belles. Elle me guérissait de mon désespoir. C'est pourquoi je voulais l'avoir toujours à mes côtés, la posséder à jamais. C'était l'amour. Jamais inquiète, toujours joyeuse, elle m'insufflait sa force miraculeusement, comme un soigneur imposant ses mains. Dès que j'en parlais, je ne pouvais plus m'arrêter, un peu comme ici... Elle était comme la vie, d'une géniale beauté si on se donnait la peine de la contempler. Mais cette idylle n'était que passagère, car on ne naît pas rêveur, on le devient. Et si je continuais de vouloir la fréquenter, elle deviendrait bientôt une rêveuse malheureuse. Et Je ne désirais rien moins que le contraire.

Je devais donc aller combattre le livreur. Après toutes ces mûres réflexions, c'est d'un pas décidé que je m'approchais de mon destin. Près de son attirail, Il m'attendait. Je me postais à quelque pas de lui, et sûr de moi dégainais mes deux armes. A ma grande surprise, il fit de même, avec deux armes similaires aux miennes. Le combat commença aussitôt. je contrais instinctivement. Profitant de ma dextérité, je le mis sous une pluie incessante de coups, comme si le premier estoc avait libéré tout ce qui pesait sur mon coeur. Ses réflexes de guerrier chevronné le sauvèrent; son épée para:

" Assassin, grondais-je. Tu t'amuses bien de nous? "

Il fondit sur moi dans un tourbillon de moulinets mortels. Rendu furieux par le calme de mon assaillant, je me mis à hurler de colère, pour libérer toutes mes émotions. Puis, rassemblant toutes les désillusions de mes jeunes années, je les focalisais sur le livreur. Ces sourires de façades, cet air suffisant... Les armes se croisaient dans des bruits fracassants, à une vitesse effrayante. Je voyais mes bras se mouvoir de leur propre volonté, mais l'autre était un véritable maître. De rage, je plongeais sans crier gare, toute ma furie revenue. Il parvint à bloquer l'assaut, et je finis acculé sur le sol, une lame pointée sur la gorge. Et en deux mots et un geste, il résuma ironiquement ma vie:

" Pourquoi pourquoi? "

et il me trancha la gorge...

Le néant m'entoure.

Plus rien,

sauf un étrange poids sur la tête.

Je pouvais encore bouger; j'étais allongé sur un lit. Par tâtonnements successifs, j'enlevais le casque qui me pesait. Je pus alors voir ma chambre. La mémoire me revint.

Dégoûté, j'éteignit l'ordinateur relié au casque. Par la fenêtre embuée, j'apercevais un ciel brumeux caché par des antennes menaçantes, accrochées comme des oiseaux de malheur sur les toits.

Une fois de plais échoué.

Quel sera le monde virtuel capable de m'accepter?

FABLE.

Un altruiste et un égoïste s'amusent à se contenter,

Quand surgit imprudemment un renard peut-être trop rusé.

Nos deux abrutis, s'approchent sans l'effrayer,

Car ils sont par cet animal bien intrigués:

Comment pourrait-il être ni altruiste, ni égoïste en étant si laid?

Le renard, voyant en ces deux abrutis un beau repas bien fait

Leur demande ce qu'il se passerait, si jamais s'unifier

ils devaient .

Ces deux-là sont fort à même de le tenter,

Pour satisfaire leur penchant, ainsi fut fait .

Le renard toujours aussi rusé,

tranquillement s'occupe à se moquer,

Car grâce à lui, des deux ,il ne reste qu'un gros illusionné,

Et fier de lui il fait remarquer que le nouveau est damné,

Car de lui , personne ne va jamais s'occuper.

Alors ce qu'il a de mieux à faire est de se tuer!

Ainsi il le fait et le renard , simplement rusé,

Peut ainsi festoyer de nos deux illusionnés!

Au lieu de penser il vaut mieux chercher à manger.

MORNE VIE.

Un homme de trente ans, rentre, après huit heures de travail acharné et inintéressant. Il ne travaille que pour l'argent, car il n'aime pas ce qu'il fait.

Appelons-le x.

Sur le chemin, x est coincé dans les bouchons. Il s'énerve, klaxonne, insulte, se venge sur les autres voitures. Mais ce n'est pas grave, chacun en fait autant. Finalement, après une heure trente de trajet et une demi-heure pour trouver à se garer, il est devant son immeuble.

Tout ça en ne faisant que dix kilomètres, classique, direz-vous...

x veut prendre l'ascenseur mais il est en panne. Encore un de ces locataires abrutis qui l'a cassé. Alors après avoir gravi les cinq étages en insultant les voisins, il se retrouve devant chez lui.

Les cris des enfants, de sa femme, de la télévision remplissent sa tête, symbolisant le doux retour au foyer. x entre, décidé à être enfin tranquille. Sa femme, en colère à cause de son plat grillé pendant son retard, ne dit rien; ses enfants ne décollent pas la tête du petit écran.

Il s'assoit et mange en silence.

Sa femme se décide à parler, et d'une voix aigu lui raconte une journée somme toute banale, voire inintéressante et pleine de ragots idiots. Son fils aîné arrive, demande une signature, l'obtient et repars aussitôt devant son écran. x y va aussi. Distrait, il entend parler de misère, de meurtres, d'impôts, de décès de journalistes. Il s'endort.

A vingt-trois heures, il se réveille, seul>

De retour dans sa chambre, il constate que sa femme occupe les trois-quarts du lit. Finalement, le canapé lui semble le meilleur endroit pour dormir. Il s'endort et rêve : X est remercié par le monde entier de l'avoir sauvé d'un fin certaine. Vénéré, adoré ou tout simplement aimé, il jouit tranquillement de son rêve. Le lendemain au réveil, le retour à la réalité est plutôt dur. Et recommence alors une autre de ces journées. x sont des millions, dans une situation identique. ATTENDRE

La prochaine lueur sera le signal. Dès lors j'agirais. Sans regrets, sans peur. Avec toute la force de ma volonté. J'espère que...

Non, plus d'espérance. Plus jamais. Seulement l'attente, Toujours l'attente. Je suis patient. Très patient. Même la nuit, où la patience est fragile et s'use autant que le sommeil s'enfuit.

Tout est prêt? Oui. Pas de lueur? Non. Bon... Le temps passe, peuplé de wagon entiers de pensées aussitôt oubliées. Tout est vain. Sauf l'attente. Le chemin est long. Mais la marche est agréable. Elle permet d'oublier l'absurdité du chemin. Et sa longueur, sa difficulté.

Si on s'arrête pour contempler l'horizon où se perd le chemin, c'est la fin... Si l'on contemple l'horizon des paysages avoisinants le chemin, la tranquillité s'installe... Si l'on s'arrête pour vérifier si c'est le bon chemin, tout s'arrange.

Tout est bien.

Et la lueur? Toujours pas.

Viendra-t-elle? Je m'en fout. L'important, c'est l'attente patiente. Voilà pourquoi je vis heureux. C'est simple?

Oui , s'il n'y a aucune lueur!

UN MORT.

La pluie... J'ai toujours aimé la pluie. Elle est mélancolique, triste et monotone. Comme la vie, ou plutôt ma vie... En plus, c'est le temps rêvé pour un enterrement. La pluie gênant l'office, ils n'ont pas l'envie de prolonger à souhait les fausses éloges, alors ils abrègent. Parfait... Amen.

Sa mort m'a fait un choc. Comme toutes les morts, d'ailleurs. Mais leurs façons de transformer la vie d'un type en un éloge respectueuse m'énervent. Ils faisaient moins les anges, tout à l'heure, au bar... Ridicule! Il n'avait pas d'amis à l'usine, mais tout le syndicat est venu. La seule personne avec qui il ait jamais parlé, c'est moi.

Et tout ce qu'il m'a dit se résume à : " -La vie est bizarre, tu sais, plus on avance, plus on oublie toutes nos peurs, et plus on change nos moments difficile en souvenirs heureux... La vie est donc hypocrite. "

Je ne peux plus m'ôter cette phrase de l'esprit, et je ne saisis toujours pas pourquoi il m'a dit cela. Il ne parlait jamais, alors tout le monde le croyait bête... Mais il était sûrement le plus intelligent de tous.

Et ils sont tous là , comme s'ils avaient quelques raisons de se recueillir sur sa tombe. Ils pensent uniquement au moment où viendra leur tour.

La pluie n'est pas hypocrite, et elle est bien la seule. Toujours visible, elle s'impose doucement ou brutalement, nous isole et ne nous cache pas sa vraie nature: C'est de l'eau.

UN TUEUR PROFESSIONNEL

J'ai tué six mille trois cents vingt-trois humains, sans remords et même avec plaisir pour les trois mille deux cents quatre-vingt-trois humains hors contrats. Leur vie avait peut-être une valeur, mais pour moi, ce ne sont que de sombres formes pseudo-pensantes. Grâce à mes employeurs, haut placés, je n'ai jamais eu de problèmes pour ces hors contrats. Tuer n'est pas seulement un travail, mais aussi une philosophie de vie, comme beaucoup de travaux d'ailleurs. Certains croient que tuer est dur, un poids sur la conscience... Loin de là , c'est comme un jeu.

Un jeu où les obstacles sont des formes laides qu'il faut détruire avec son arme. La télévision m'a montré le chemin à suivre pour tuer. Je l'ai suivi. J'ai d'abord tué ma mère, après l'avoir bien sûr violée, puis j'ai tué mon père. Je n'avais pas de frère. Quel dommage! Je les ai découpés, puis je les ai mangés, pour me prouver ma force morale. J'ai fait pire que mes héros télévisés, et j'en suis fier.

Ils étaient hors-contrat, bien sûr.

Après je tuais un peu au hasard, un peu par vengeance, beaucoup par plaisir. Jusqu'au jour où mes employeurs ont remarqu@?à mes talents, et m'ont fait plusieurs commandes. Après, je suis devenu plein temps. Heureusement, ils m'ont laissé mes petits jeux... mortels. Je tuais tout ceux dont la tête avait quelques raisons d'abriter des idées idiotes, c'est-à -dire différentes des miennes. Comment peuvent-ils penser différemment de moi! Incroyable! Ils sont trop bêtes pour vivre!

" -Non, non, vous ne pouvez pas écrire cela, vous vous rendez compte? Et si un gosse faisait comme lui! Vous y avez pensé?

- Oui. Figurez-vous que je n'écris pas au hasard, et que les lecteurs ne sont pas des naïfs petits agneaux qui ingurgitent avec joie, sans réfléchir, tout modèle télévisé. En existe-t-il seulement un qui est persuadé de lire un exemple à suivre? Non, ils sont sûrs de lire une satire ou un point de vue nouveau pour eux...

- Tu rêves, ce ne sont que des idiots qu'il faut allécher avec la recette du voyeurisme-divinatoire-flatterie et c'est tout. Non, cela ne sera pas publié!

- C'est vrai qu'il en existe. Vous me faites d'ailleurs penser à mon tueur, celui qui tues toutes les formes de vie aux pensées différentes des siennes. Je ne sais que penser... Peut-être... Non. Il n'y a pas de moyen aussi fort pour lutter contre...

Enfin, vous savez, non?

ANTICHAMBRE.

Il fait chaud, la chaleur... Suffocante.

Je ne devrais pas écrire. Quelqu'un pourrait me lire et apprendre ces horribles vérités. Et toutes ces illusions seraient détruites, et il se retrouvera seul>

Mais qui est capable d'affronter le néant ?

Il fait trop chaud, c'est inhumain...

Plus de rêves, d'amour, d'amitiés, de plaisir ou de passions. Peu de gens le supporte en vérité, et ils sont peu remarqués grâce à leur comédie tranquille jouée devant les illusionnés.

Les cloques commencent à me gêner. Rhaââ! Je brûle! Quels sales... Aïe! Et dire que toute ma vie, j'ai imposé mes vues. Les pauvres, ils ont tout " gobé " sans réfléchir, comme si mes philosophies étaient géniales, rien que par leur scepticisme... Car je n'explique rien, mais je détruis tous les anciens systèmes. J'aurais mieux fait de... Nooooon!

Pourquoi? Ce n'est pas ma faute! Oh, mon Dieu, comme je regrette...

Ouf! Bizarre, ces pauses dans la souffrance, comme si je devais avoir des moments pour penser... Pour se rendre compte de ses erreurs. J'espère que je serais le dernier. Et cette chaleur...

Peut-être que je suis mort, souffrant les tortures de l'enfer... Mais je comprends tout, et je regrette...Par pitié!

Tiens, une lueur rouge... Mal, mal, mal! Noon!

" Monsieur, calmez-vous, vous avez recouvré la vue maintenant. Ce n'était qu'une crise. Tout va bien. Vous pourrez réécrire un de vos célèbres ouvrages. Très bientôt, je vous l'assure. " Le médecin sortit avec l'infirmier de la chambre clair d'hôpital aseptisé.

" NOOOOOON! "

LE FIL.

Quelles souffrances n'ai-je pas endurées? J'ai connu la faim, la soif, ces douleurs incroyables...

J'ai connu la solitude, la peur, ces douleurs si paradoxalement communes et banalisées...

J'ai connu l'erreur, l'incompréhension, ces douleurs inoubliables...

Toutes ces souffrances, je me les dois, ou plutôt je les dois à une partie de moi que j'appellerais volontiers mon coté absurde. Quelles souffrances ne m'a-t-il pas causées dans la joie, ce coté?

Aujourd'hui, je m'adresse à toi pour t'exorciser, te redonner une forme moins séduisante, même ces beaux soirs de pleine lune, toi, mon coté absurde;

Beaucoup croient en un moi intelligent, capable et aimant. Ils croient à mes regards de pitié, ils confondent mon air méprisant avec un air aimant. S'ils savaient comment tu mènes mon destin! Je ne compte plus ces nuits d'amour où tu me susurres à l'esprit la bêtise de l'acte, de ma compagne... Et les pensées que tu m'envoies sans cesse, à propos de ces gens que je pourrais briser si facilement, ensanglanter sans haine et pourfendre sans peine, de tout cet ordre qui ne rime à rien, de tous ce travaux d'automates, de cette hypocrisie générale...

Non, Je veux ta mort. Tu ne dois pas gâcher tout ces petits bonheurs, tous ces tendres pleurs, tous ces efforts incroyables pleins de sens en ton absence; Pars, pars donc loin de moi. Choisis une autre victime où te poser pour cacher ses yeux de tes ailes multicolores.

Tu es arrivée alors que j'attendais ta soeur aînée, la mort, dont tu as copié la forme calme et sage, mais surtout trompeuse...

Depuis lors, dès que l'on m'oublie, que l'on ne me regarde pas, je suis ce fou, CE FOU, fol>

Oui, tu m'as aidé aussi à connaître beaucoup, à ne pas avoir peur, grâce à ces coups de tête dont tu es le maître secret. Oui, tu m'as aidé... A être fou. Fou d'amour. Une fois.

Après tu as voulu m'apprendre à être meurtrier.

Parce qu'on ne voulait plus m'aimer.

Toi, mon coté absurde, Tu ne m'as jamais compris.

De tous les temps.

Le tic-tac étrange de l'horloge mesquine retentit

Soudain comme si le temps avait commencé avec cette nouvelle vie.

Frêle petit être aux formes rondes, il attire les regards,

Et sera l'intérêt du monde proche jusqu'au soir.

Demain, recommencera la vie normale, ennuyeuse et pieuse

Dans laquelle l'être nouveau ne sera qu'une bouche malheureuse.

Petite fille innocente, joyau travaillé de parents vaniteux,

Elle grandira dans les plaisirs souffrants de petits jeux.

Une fois passé le stade de jeune lumière blanche,

Elle sera le phare des hommes n'aimant que les hanches.

Le temps passera, comme sa jeunesse et ses espoirs,

Jusqu'à ce que vienne un nouvel être, produit d'un regretté soir.

Le tic-tac étrange de l'horloge mesquine retentit

Soudain comme si le temps avait commencé avec cette nouvelle vie.

se donner la mort.

Prenons un être qui vit sur terre et qui de plus pense. Disons qu'il affronte son angoisse existentielle, et qu'il pense à la mort.

Sa motivation est de ne plus rien vouloir car pour lui il n'y a que souffrance ici-bas. Il veut donc nier sa volonté. Mais en niant sa souffrance d'exister par la mort, il met en valeur sa volonté ( de ne pas souffrir ).

Alors que s'il accepte sa souffrance, il s'en détachera. Ainsi, il atteindra son but et niera son vouloir. Donc le suicide est une expression du vouloir vivre, donc c'est une erreur.

Si jamais vous n'avez plus aucune envie, niez votre volonté, au lieu de l'exacerber, et ainsi vous vous rapprocherez de tous les saints. Vous existerez par l'élévation de votre âme.

C'est plus dur, peut-être, mais n'est pas heureux comme un saint le premier fainéant venu.

Ne vous demandez pas comment sera votre futur, mais comment, de votre futur, vous regarderez cet aujourd'hui...

Une dernière proposition, si vous n'êtes pas convaincu: Allez dans un jardin pour enfant de bas-âge. Asseyez-vous et regardez-les. Vous les trouverez peut-être bêtes, mais touchant par cette facilité au bonheur. Le passage de la joie à la tristesse est déconcertant chez eux. Vous avez été pareil, autrefois.

Enfin, imaginez-vous expliquer à un de ces enfants pourquoi vous voudriez vous suicider, et ce qu'il vous répondrait.

C'est tout.

Suffira-ce?

La vie peut vous le prouver.

Mais il faut l'écouter, et oublier ces petits désirs mesquin et irréalisables.

Car RIEN n'est grave...

Sauf la mort, peut-être.

LA PERFECTION N'EST PAS DE CE MONDE.

Dans un café bruyant, au milieu des discussions futiles, des ragots et des regards langoureux, plongés dans la fumée et les spiritueux, noyé dans le café noir et les mots savants, mes amis et moi entamons LA DISCUSSION.

Celle de la reconstruction d'un nouveau monde, meilleur (forcément... ) et parfait ( sans commentaires... ). Inévitablement, elle s'élève par un " Et si... " lâché distraitement par un convive fatigué:

@?à - Et si on établissait une société anarchiste, au sens premier, avec des petites communautés restreintes et autosuffisantes, dont l'ambiance égalitaire et simple appellerait inévitablement le bonheur? "

La situation va dégénérer si je ne force pas la discussion vers le réalisme pour les empêcher de rêver, action jamais commise impunément. Alors, avec le sourire, je déclare sans ambages:

" - Tu oublies un caractère essentiel de l'humain: Ses rapports avec autrui sont nécessairement difficiles, orageux et toujours teintés de conflits. L'homme veut se battre, énerver et être le meilleur... "

Et là , à? funeste prélude à une discussion inutile mais si belle, surgit le fameux couple de mots maudits: " Oui, mais... "

Que faire?

" - Oui, mais (...) cela vient de l'éducation, qui nous pousse actuellement à être ainsi, mais au bout de quelques générations, Tout le monde serait altruiste et...

- Le premier égoïste serait roi! " S'écrit une voix tombée du ciel, une aide non négligeable, un allié. Je ne suis donc pas le seul>

" - Non, il faudrait plutôt une société où tout serait dirigé et programmé pour le bonheur. Avec l'aide des ordinateurs, nous le pouvons, enfin. Notre cerveau recevra des ondes bénéfiques à chaque instant et ainsi nous aurons un bonheur facile! "

Oh, non! Il m'a eu. Et moi qui croyais qu'il allait m'aider . Il faut encore que je rétablisse la situation...

" - Cela ne vaut pas le coup. Tu voudrais faire des enfants pour les mettre dans une machine à bonheur, tu te rends compte de l'horreur? Non, notre vie est dure ( Quoique.. ) et cela la rend superbe. Qui parmi vous a envie de vivre un bonheur d'ordinateur? Personne?

Parlons plutôt de qui va payer la tournée! "

Ça y est, je les tiens, et avec de la chance, c'est fini.

" - Oui, mais et si ( sic! ) on faisait plutôt un monde fantastique, ou on serait tous des chevaliers superbes, cela ne serait pas génial? Comme au moyen-âge, mais en mieux!"

Je vais le tuer, l'étriper, LE HACHER MENU! Ah, vraiment, merci! Rétablir la situation, encore une fois...

" - C'est bien beau de voir des films où le héros vit des aventures magnifiques, mais qui a envie de se mettre à sa place pour endurer toutes les souffrances quotidiennes telles que les blessures, la fatigue et l'entraînement ennuyeux? Non, non, je le répète, on est bien ici. "

Mais la partie n'allait pas être gagnée aussi facilement, et un troisième larron a le toupet d'ouvrir une fois de plus une bouche pleine de rêves pâteux et gluants...

" - Non. Moi, je ( Hum, hum... ) dis qu'une bonne révolution serait la bienvenue. On ( pronom imbécile qui qualifie celui qui l'emploie ) virerait tous ces politicards véreux et on ferait une vraie société égalitaire! "

Vite, rétablir la situation!

" - N'oublie pas que l'homme est profondément égoïste. Il y en a qui veulent de l'argent, d'autre le pouvoir, et les derniers beaucoup de vacances... Il n'est pas possible de réaliser les désirs de chacun, et au moins la société actuelle nous laisse le choix, alors laissez la vivre... Mais je me demande une chose, une seule. Qui paye la tournée? Mon gosier est sec! "

Et voilà , je crie et je m'énerve...

Mais cela ne suffit apparemment pas, car un autre s'écrie aussitôt:

" - Si on...

- NOOOON!

Une fois pour toutes, non. Des " et si " et des modeleurs de monde, il y en a des milliers disséminées dans les bars et les milieux idéalistes où passe de vieux disques en pensant au bon vieux temps! Tout cela ne sert strictement à rien. S'il y a une chose à changer, ce n'est pas le monde, mais votre vision du monde. Car le monde restera toujours ce qu'il est, c'est à dire entropique. Je m'explique... Entre la société idéale d'hommes parfaits et la société du malheur total, il y a la société actuelle. Entre l'ordre et le désordre, il y a l'entropie, entre la maison impeccable et le foutoir, il y a l 'entropie. Car les deux extrêmes sont irréalistes.

LA perfection n'est pas de ce monde! "

L'ALBATROS.

Au loin s'étendait l'horizon tranquille et amène. Sous moi, les vagues gigantesques s'entrechoquaient comme des monstres furieux. Et l'odeur saline emplissait mon odorat, renforçant l'impression de silence béni. Car le vent n'était plus, à l'altitude où je planais en fier albatros. Cet instant paradisiaque fut vite interrompu par l'apparition, au loin, d'un trois-mât humain. Car non contents de nous avoir pris le continent, sous prétexte de leur intelligence, ils s'attaquaient au royaume de Neptune et par là même me gâchait ma vue. Ah! Intrépides et stupides humains, allez-vous arrêtez un jour?

Et dire qu'il se prend pour le plus intelligent des animaux! Alors que même une idiote de pie voleuse ne ferait pas l'erreur de...

Je m'emporte encore, pardonnez-moi, C'est plus fort que moi. Heureusement, ils ont un intérêt, car ils ne sont pas avares de nourriture et c'est pourquoi je me dirigeais à grand battement d'ailes vers ces arrogants conquérants.

La vigie me parut le meilleur endroit où me poser, de par le fait qu'un homme seul>

Bien sûr, une fois celui-ci coincé dans mon bec, je m'envolais aussitôt, redoutant toujours quelques pièges. Et ce fut avec délectation que je me repus, après ces trois long jours de privation. Hélas! Le poisson était rare, en plein océan!

A ma grande surprise, un pigeon me rejoignit sur la grand-voile:

" Tiens donc, voilà un voyageur! Donne-nous donc des nouvelles de la terre ferme! ".

Encore passablement ébahi, je lui conte menues affaires de notre monde, pour finalement m'énerver une fois encore au sujet de ces stupides humains. Le pigeon s'en amusa et s'exclama:

" Ho, voyageur, que dis tu là ? Tu as une vision bien mauvaise en ces jours pourtant clairs. Car en vérité, ce sont nos esclaves et il nous servent bien. Vois donc! J'ai du poisson frais tous les jours et je n'ai rien d'autre à faire pour l'avoir que d'apparaître devant eux. Ils m'attendent même quelquefois en piaillant! Tu vois ils ne sont pas arrogants et moqueur avec moi! Pense donc, dans un siècle, au plus, ils auront construits d'énormes écuelles où l'on pourra venir se nourrir dans des jardins et des abris... Tu verras. "

MIFACE.

La longue recherche du bonheur, quelquefois avouées, d'autre dénoncée, atteint son apogée et l'on se demande même s'il faut continuer. Le moderne siècle qui nous a vus naître terminera bientôt sa course sanglante et folle. Pourtant les décomptes des siècles, arbitraires, n'ont aucun poids sur la réalité car le temps est extérieur à la mesure qu'on y fait...

Et s'y arrêter est un vice de forme auquel je m'adonne pour remplir mon destin.

Chaque chant comporte en lui ses interrogations, interrogations de notre siècle auxquelles il convient de porter une porter une réponse personnelle, car une réponse universelle est trop utopiste...

Plaire et interroger, réfléchir en s'amusant, prendre conscience du non-sens du sens, sentir le soleil sur sa nuque, rebondir contre des préjugés et voir le futur avec un oeil nouveau, ne serait-ce pas beau? Et utile? Et extraordinaire?

Non.

Si.

Qui sait? Pas moi.

La solution

Aujourd'hui, une nouvelle et magnifique invention va se répandre dans vos foyers. L'invention qui fera de vous un surhomme! Sans efforts, en quelques instants, vous serez débarrassés de vos peurs, angoisses et même vos douleurs! Vous pourrez tout, dorénavant!

Mais si et seulement si vous achetez le " complexe-émotions", dont vous pourrez tester et ressentir immédiatement les effets. Ceci n'est pas une publicité mensongère ou prétentieuse. Votre vie sera parfaite, plus de stress, plus d'ennui ou de pensées morbide formant notre douloureux lot à tous.

LA SOLUTION A TOUS VOS PROBLEMES

. Qui n'en a pas rêvé? J'ai concrétisé ce rêve et je vous le vends. Le progrès nous apporte enfin le bonheur. Ce bonheur a la forme d'un diadème que l'on ceint sur son front, puis, après l'avoir branché, l'effet est immédiat. C'est tout, n'est-ce pas merveilleux? Par un simple procédé de dénervation électrique, les émotions sont déconnectés!

Courez l'acheter! A tout de suite...

*Selon la loi en vigueur (art. 237 du code pénal), le produit est conforme aux normes mondiales. Toutefois, nous devons vous informer que la totalité des émotions seront supprimées GRIS

La thèse de l'homme en gris était simple et chacun de nous la connaissait. Pourtant, seul>

Nous travaillions donc sans relâche à ces travaux étranges, subissant le dédain de nos proches, oeuvrant dans le secret. Cette thèse de la vérité nous attendait au bout de ce dur chemin. Il y a eu peu de résultat, et ce peu pourrait être attribué à des hallucinations involontaires...Notre dernière expérience était une double incantation de Satan, la simple ayant échoué. Nous nourrissions en effet l'espoir de conclure un pacte avec lui, quitte à nous damner si nous ne l'étions pas déjà . Nos noires âmes palpitaient d'une intense exaltation, nous attendions prostrés, la venue de Lucifer. Les cris des victimes souffrantes se répercutaient dans la cave gigantesque, mêlés à nos échos de louanges sataniques.

Nous avons attendu toute la nuit, sans pouvoir bouger, de peur de briser l'incantation. Ce fut un échec total. Epuisés, nous avons camouflé nos horreurs blasphématoires et repartîmes au château, base de nos actions. Silencieux, nous mangions avidement comme pour ne pas avoir à parler. Ce fut donc l'homme en gris qui brisa le silence. Sur la table, ses mains étaient jointes de telle sorte que personne ne put voir son visage:

" - Messieurs, une fois de plus, nous subissons le goût amer de l'échec. Nous aurions raison de nous décourager... Si l'un de vous veut partir, il le peut. Il ne reste plus de rituels existants que nous n'ayons célébrés. Il nous faudra innover pour réussir."

D'un accord général, nous avons continué et nous nous sommes replongés dans de fastidieux travaux...Le temps passe et nous y sommes toujours... L'homme en gris nous l'a dit:" Viendra une nuit..."

Si nous n'y arrivons pas bientôt, nous aurons gâché nos vies et beaucoup d'autres. Je commence à douter... et je ne veux pas que vous fassiez la même erreur que moi. Itaque je ne vous révèle pas cette superbe thèse. Car elle est vraie, cela j'en suis sûr, vous aussi en seriez sûr. Je préfère me taire.

MEN-SONGES.

" -Tout est mensonge. Et quand vient une vérité, peu savent la différencier du ramassis omniprésent. Ce qui aurait affolé un vieux guerrier d'autrefois ne saurait émousser le coeur d'une jeune fille moderne... La vie n'a jamais été une comédie.

- Faux, il en a toujours été ainsi. Mais ton esprit supérieur n'était pas là pour le constater. Arrête de tirer des conclusions hâtives et apocalyptiques, s'il-te-plaît!

- Tu ne vas pas me dire que dans ce monde pourri, il existe des gens assez fous pour être heureux. Personne n'est jamais lui-même avec d'autres. Ceux qui jettent bas leur masque deviennent des parias...

- Je suis passé maître dans l'art du mensonge. C'est grâce à lui que je manie les autres pour les rendre plus heureux. Où est la faute, tu peux me le dire? Nous ne sommes plus des enfants à qui il faut raconter des contes pour expliquer le monde. Cela demande parfois des acrobaties dangereuses avec les conceptions et notions, mais rassures-toi cet art est loin d'être difficile. Tous le pratiquent assidûment, comme tu l'as si bien dit. Pour preuve, ce dicton, toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire..."

- Mais c'est horrible. Je préfère encore passer pour un paria et rechercher la vérité éternellement!

- Trop dur. Pour un même résultat, le bonheur, il me suffit de quelques promesses, un peu de prestidigitation, un beau visage et une voix imposante. Je vais te dire qui je suis... On me nomme le prophète, le sauveur, l'incarnation... Surpris? Non... vous pouvez toujours croire à un mensonge. "

DEVOIR ET OBLIGATION.

Nos espoirs se sont tous révélés vains. Il est mort. Toute la joie, l'amour et le bonheur que nous lui avions donnés au long de cette gigantesque comédie n'ont servi à rien. Il est mort. De plus, on est presque sûr qu'il ne s'est rendu compte de rien, faisant de nous des bouffons ridicules et inutiles. Il était dans le coma.

Les obsèques auront lieu demain, dans le cimetière qu'il a choisi dans ses derniers moments de délire, avant sa mort. Maintenant, on ressent comme un vide, on ne doit plus se rendre à son chevet pour entamer un long monologue, rempli>

Je me souviens au début, on pleurait, comme si cela arrangeait quelque chose... Puis on s'est habitué à aller voir ce reste de notre ancien ami. D'un accord tacite, nous nous sommes tous donnés une heure par jour pour lui parler, le motiver à vivre. Pendant trois mois!

C'est de la folie... Au fond de nous, nous étions persuadé qu'il allait mourir, alors, pourquoi avons nous fait cela? Depuis sa mort si attendue, je me le demande sans arrêt. Quelle pouvait bien en être l'utilité? Avant, il n'avait que quelques amis, après son alitement, il est devenu l'ami de tout le monde... Ils l'encensaient sans arrêt, parlaient de lui comme d'un copain d'enfance, prenaient des airs graves à longueurs de journées, sans parler de ce que va être l'enterrement!

Son docteur est venu nous parlé. Il a dit que nous avions franchi une grande étape dans notre vie, que nous avions saisi la valeur de la vie contrairement à beaucoup d'autres car nous avions oublié notre égoïsme pendant ces trois mois, ce dont peu d'hommes peuvent se vanter selon lui. Je ne le crois pas, il faut distinguer ses vrais amis et ses nouveaux "amis"... encore pire que ces "autres" dont nous a parlé le docteur.

Depuis on est retourné en classe. La maîtresse a recommencé ses cours. Sans lui. Mais nous n'en avons plus tellement besoin, malgré nos dix ans.

La découverte capitale.

Toutes mes équations concordent. Ma théorie se tient parfaitement. Mes expériences ont toutes été concluantes. J'ai découvert l'infini! Et comment créer infiniment!

Quand le monde saura que je peux tout créer à partir de rien, je deviendrais un Dieu vivant d'un nouveau monde débarrassé de tout problème. L'humanité accédera au bonheur, grâce à moi!

Et à cette petite boîte, où le sublime infini sera contenu. A chaque nouvelle création, tout un nouvel univers de matière se formera. Un univers particulaire dûment organisé pour former l'objet souhaité.

Un univers?

Avec ses étoiles?

Entouré de planètes?

Oh, non!

Et si nous étions une de ces planètes contenues dans une boîte...

Et si le processus se répétait à l'infini... Quand nous créons un produit, nous créons un univers comme le nôtre! Et nous le détruisons juste après... Je deviens bien un Dieu, puisque je crée un univers... Mais je ne pourrais rien pour ces habitants, tel un dieu indifférent... Ils seraient trop petits. Et des milliards de vies viendront de moi, mourront à cause de moi, sans que j'en connaisse le plus petit détail.

Pire qu'une bombe atomique, J'ai créé le plus meurtrier objet jamais conçu! L'infini...

Non, je ne peux plus y penser... Il vaut mieux oublier... Détruire tous mes papiers, et surtout cette maudite boîte. Si jamais l'humanité découvre ce jouet... Je n'ose pas imaginer...

Le progrès n'apportera jamais le bonheur. Il ne peut rien changer. L'homme doit changer, et non pas le monde autour. Mais qui voudrait bien comprendre une telle pensée? Il y a trop de préjugés, de haine, d'égoïsme...

voyeurs inconscients.

Une belle enfant de six ans fut sacrifiée à des dieux inconnus dans une église près de chez lui. Violée, écartelée, battue à mort, aucune souffrance ne lui avait été épargnée. La souffrance, l'horreur et l'incompréhension à jamais fixés dans les yeux, elle était morte sans autres ennemis que ceux du bonheur.

Les badauds venaient pour satisfaire leur curiosité morbide et repartaient, malades de vivre encore. Toutes sortes de commentaires indécents fusaient autour du corps, comme si la scène demandait d'autres constatations que la vue. Autour du corps, des candélabres répandaient des odeurs ignobles, et figuraient les sommets d'un pentacle de six mètres de rayon dont le centre était un pic planté dans le nombril de la petite fille.

Personne ne trouva d'excuse à cela. Mais bientôt personne ne s 'en occupera, tellement les actes profondément absurdes seront répandus aux nom d'une quelconque raison au doux nom.

LE BRIQUET.

Je navigue de poche en poche. Souvent oublié, toujours ignoré, quelques fois volé. Je suis le produit le plus longuement élaboré, le premier des outils, et pourtant seuls quelques enfants naïfs s'émerveillent de moi...

J'ai tout de même essayé de les séduire: Déguisé, coloré, et même travesti en d'autres objets! Mais rien n'y fait. Je suis ignoré. Je ne suis qu'un objet. Au mieux, on me remarque pour me critiquer: " Il ne sert que les pyromanes, les fumeurs inconscients et les scouts!" Ma vie est loin d'être un rêve.

Si j'essaie de me plaindre en retenant ma flamme rédemptrice, je suis jeté aux ordures. Le sens de ma vie est de m'allumer jusqu'à ma mort. Je ne vis que pour cela, tel un esclave éternel. Esclave d'un maître qui ne connaît pas le sens de sa vie, contrairement au plus infime objet...

Il se croit plus intelligent. L'intelligence est censée avoir un rapport avec la capacité à faire face à la situation. Il ne sait pas faire face à la vie. Moi, si! Que dire de plus? Je ne suis qu'un exemple. Il y a tant d'autres intelligences plus grandes contemplatives de l'homme... Cette chose articulée nous permet au moins de prendre conscience de notre bonheur.

L'ENFANT GATE.

Dans l'horrible plaine de versajerbik, entre les cadavres pourrissant et les vautours repus, un homme fatigué comptait ses rations, ou plutôt ses restes...

Bientôt, il ne pourrait plus manger.

Mais cela importait peu, alors il jeta au loin ces maigres portions avec colère.

Sans rien à boire, manger était plus une torture inutile qu'une nécessité.

Il se leva, car il était assis, et enjamba le monticule de corps qui lui servait de siège, pour se tourner vers le soleil levant.

Une nouvelle aube. Sur une nouvelle ère.

Cette plaine n'était qu'un cimetière, comme tant d'autres, à ciel ouvert. La brume matinale enfin dissipée, il put contempler toute la plaine dans sa splendeur. Tant de mort ne l'impressionnait même plus. Pourquoi étaient-ils morts?

Il ne s'en souvenait plus...

Pourquoi étaient-ils nés?

Personne ne l'avait jamais su.

Pourquoi avait-il survécu?

Peu lui importait.

Par réflexe de survie, il se mit à chercher de l'eau, potable si possible: La soif lui tenaillait les entrailles depuis deux jours déjà .

Des promesses avaient été faites. Jamais pareil carnage n'aurait du avoir lieu. Contre toute logique et toute raison humaine, des pères de familles, des amis, des voisins, des gens normaux, aimants et aimés, avaient tué et s'étaient fait tués

Tout cela lui était étranger maintenant. Il était par trop habitué.

Un jour il s'en souvenait, on avait cru la paix proche, les combats oubliés. Car l'homme était devenu trop intelligent, trop civilisé. Mais le seul>

Et il avait eu raison.

La preuve ignoble et immense s'étendait devant lui, sur des milliers de kilomètres.

Un autre que lui aurait parlé de justice divine, de triomphe du pessimisme ou de l'éternel recommencement. Pour lui, un mot suffisait: L'homme.

Soudain, un corps qu'il enjambait lui rappela un ami. Et une foule de souvenirs l'assaillirent. Des rires, des joies, des pleurs, des amitiés que nul>

Des moments où l'on était entre amis, loin de toute question de pays, d'argent ou de religions. Les meilleurs moments de sa vie... Détruit par tout ce dont il n'avait pas besoin pour être heureux.

Ce visage mort, étendu devant lui comme un morceau de viande chez le boucher, le fit pleurer.

Car ce morceau avait sûrement eu le même genre de souvenir. Mais ce n'était plus qu'un morceau de viande, puant de pourriture, qui plus est! à?'avait été un jeune homme, comme lui. Ennemi, ami ou allié, peu importait; il avait été jeune, comme lui.

Poussé par une curiosité insensée, il voulut connaître son nom. Il trouva ses papiers dans sa veste. A la place du nom, il découvrit l'âge du mort. C'était son anniversaire. Il aurait eu dix-huit ans. Il n'avait même pas vécu le tiers de sa vie, de ses bonheurs, de ses souffrances, de ses amours... Pour ne pas être rattrapé par un sentiment morbide, il repartit, laissant ces papiers au mort.

Des millions de morts, ce ne sont que des mots, mais des millions de corps, ce sont d'anciennes vies, abrégées au nom du non-sens absolu. Certains étaient morts pour vivre, d'autres étaient morts pour avoir voulu tuer.

Ils étaient tous aussi morts.

L'homme entendit un ruissellement. Il courut, avec l'espoir incroyable de boire enfin. Devant lui, coulait maintenant un mince filet, un petit ruisseau...de sang.

Il hésita.

Il but.

Et chercha à s'empêcher de penser.

Mais sans cesse revenait ce sang, ces morts, ces...

Alors pour se distraire, il voulut compter les corbeaux. Il n'avait pas prévu qu'ils seraient trop frénétiques dans leur festin pour pouvoir être comptés.

Contraint, il se laissa donc aller à penser.

" - Cela aurait-il pu ne pas arriver? NON.

Si seulement, je pouvait retourner dans le passé et les avertir... Non, ils ont été avertis et personne n'en doutait, bien que tout le monde se le cachait. Les hommes, changés en bêtes sourdes, n'avaient plus pu réfléchir avant de charger...Bêtement.

L'humanité est comme un enfant qui ne veut pas croire sa mère au sujet des brûlures du feu, jusqu'à ce qu'il se soit brûlé...ou tué.

A croire que notre mère, dame nature, n'a pas été assez sévère en nous éduquant.

Nous sommes des enfants gâtés.

MA PETITE BALLE ROUGE.

Bonjour, ma balle, ça va j'espère? Moi ça va. Toujours obligé de te parler, comme tu vois. Aujourd'hui, ILS ne m'ont donné que neuf francs. C'est qu'on est trop nombreux à faire la quête, y'a même des professionnels qui se font huit cents balles par jour, parce qu'ils ont l'art de savoir faire pitié. Moi, avec ma gueule, je ne fais plus que sourire, comme tu le vois. Heureusement, tu ne sais pas sourire. Mais tu ne parles pas. Neuf francs, c'est déjà une bouteille de pinard, tu me diras... ou tu ne me diras pas. J'en ai marre de faire chier les passants en leur tendant la main. Remarques, il y a une évolution, au début, c'est moi que ça faisait chier. Je survis, me diras-tu aussi! Mais bon, ce n'est pas assez. Je voudrais pouvoir tirer la gueule dans le métro, ou avoir l'air de vivre le malheur le plus parfait parce que tout le monde ne me sourit pas, comme ça a l'air de se faire dans les milieux de riches...

Mon malheur est trop indécent pour que je leur montre, j'ai trop mal en voyant des objets à mille balles qui ne servent à rien, j'ai trop mal quand on évite avec obstination mon regard d'être humain. J'aimerais bien être un chien. Personne n'a honte de le regarder ou d'en parler. Mais je suis un homme, malgré ce qu'ils essaient de se faire croire. Je pense, donc je suis et je quête! T'as vu la culture philo? J'en connais un bout, hein? Mais personne ne me croira si je leur dis que j'ai vécu quelque temps comme quelqu'un de normal. Et que je pense aussi. C'est que les clodos ne poussent pas sur les arbres! Ils sont poussés par les humains vers la porte de sortie. Pourquoi? Parce qu'ils n'ont pas voulu faire du mal aux autres sous la pression. Holà , me diras-tu, tous ne viennent pas d'une conjoncture extraordinaire. (Hé t'as vu le mot, la classe, hein? ) Si. Car on force les gens à vivre sans se préoccuper des autres, à compter leur argent en se cachant, de peur de devoir donner à ceux qui en ont réellement besoin. Que de fois dans le regard des gens j'ai vu un de ses objets inutiles, une hi-fi, une voiture, un bijou, un gadget qu'ils jetteraient aussitôt sans y penser s'opposer à leur désir naturel de donner un peu de bonheur aux autres.

Combien de fois je n'ai pas entendu ces " encore pour boire! " Mais comment leur expliquer que seul>

Ha, faut que je me calme. Désolé ma petite balle toute rouge. Tu es si mignonne... Tiens aujourd'hui j'ai tenté d'obtenir de l'aide par un " organisme ". Ils m'ont dit d'aller me désintoxiquer d'abord. Comment faire?

Cela dit je ne me plains pas, y'a des gens sympatiques qui nous aident, nous les parasites de la société. Quelques-uns. Les autres sont là pour se faire de l'argent sur notre dos, au si doux nom de la bonne cause...

A mon avis, ce sont ce genre de pourris les parasites de la société. Ces gens qui arnaquent les autres. Y gênent bien plus que nous autres ou que moi avec mes neuf francs par jour. M 'enfin... Je m'en fous, pas vrai, ma petite balle rouge...

LA FOLIE.

Pourquoi me regarde-t-il comme cela? Qu'est-ce que je lui ai fait à ce pauvre idiot? Il a un regard bizarre. Il doit sûrement penser que je ne suis qu'un abruti. Comme tous les autres. Personne ne me comprend. Je ne supporte plus d'entendre des " c'est l'âge ingrat " ou des " je te comprends ". Heureusement j'évite de parler maintenant. Ainsi, personne ne fait attention à moi, sauf pour me lancer des regards de haine ou de suspicion. C'est mieux comme cela, ils ne m'ennuient plus. De toute façon, personne ne m'aime. Et personne ne s'intéressera jamais à moi. Je ne suis rien d'autre pour eux qu'un petit con.

Ha! Si je pouvais régner sur eux comme un roi, je leur apprendrais, je leur montrerais.

Ne pas bouger. Ne rien leur montrer de mes émotions. Surtout pas, ils se moqueraient. Ah, si je pouvais m'empêcher de rougir... Heureusement, ils m'évitent maintenant. Sauf ce petit vieux qui me regarde sans arrêt. C'est lui que je tuerais en premier. Je sais où mon père cache son arme. Si seulement ils avaient compris quelque chose, mais ils n'en ont rien à foutre. Je leur apprendrais, à ma manière. Un jour. Et là , personne osera ne pas me remarquer. Je m'imagine déjà , la carabine à la main, dans les rues... Je mettrais le long manteau de Papa, les bottes américaines de mon frère, et ma belle ceinture. Et tout le monde me verra enfin... Sous mon vrai jour...

-Ce petit jeune... Je me trompe sûrement mais... Mais il est tout le temps tout seul, et comme il n'a pas l'air de parler beaucoup avec sa famille, il ne doit pas être bien dans sa peau. Rien que de voir comment il se sent gêné par mon regard, il est évident qu'il y a anguille sous roche, ou plutôt serpent! Il faut faire quelque chose avant qu'il n'arrive quelque chose de grave. Personne ne peut rester seul>

Il faut que quelqu'un s'intéresse à lui, pour lui permettre de reconnaître son existence comme tangible et non absurde. Sinon il cherchera à prouver son existence par tous les moyens, et pas forcément les plus intelligents. C'est cette recherche d'existence qui fait que les suicides sont rarement discrets, et les fous si exubérants. Je vais lui parler, essayer de l'intéresser et m'en faire un ami. C'est simple et ça marche. D'autres auraient pu le faire. Mais ils sont trop égocentriques pour le voir...

PEU APRES:

-Quelqu'un m'a parlé, je me sens tout bizarre, important peut-être... C'est la première fois. Je croyais que c'était un vieux con, mais c'est le vieux le plus sympathique que je connais. Il m'a dit de revenir demain.

Je reviendrais. J'ai plein de question à lui poser sur la vie, sur ce qu'il pense, et tout ça... Je crois que je le trouve sympathique! Il n'est pas comme tous ces cons. Mais on s'en fout d'eux! Ils ne sont pas intéressants. C'est marrant comme je me sens bien...

La folie soudaine n'est pas humaine, mais vient bien de l'humaine indifférence.

LA FAIM.

Je m'en souviens, ma mère s'avançait avec un petit sourire de fierté, chose rare chez elle. Nous nous léchions avidement les babines, sentant la salive emplir nos bouches prêtes à l'engloutissement. Des odeurs subtiles et alléchantes nous remplissaient les narines jusqu'à nous étourdir. Les brochets fumaient, les entrecôtes grillaient, les salades fraîches craquaient...

Tout se suivait et défilait à l'infini devant nos bouches avides. La peau de nos ventres se tendait, nos mâchoires se fatiguaient, nos yeux tombaient...

Et cette sensation de bien être total! Mmh! Que ne donnerais-je pour un instant tel que ceux-là ... Le passé, douloureux filtre du présent jamais assez plaisant, est bien tout ce qui nous occupe tous, ici, en prison. Nos interminables discussions traitaient invariablement de nos souvenirs intarissables. La douleur n'en étaient que plus grande, mais nous sommes si bien après. Entre quatre murs et une lampe, les discussions n'ont pas grand champ pour se développer. J'en vois déjà venir:

La philo? Il ne vaut mieux pas y penser! C'est comme cela que les gens se pendent, ici-bas. Même les gardiens s'y refuseront, car eux-aussi sont prisonniers à vie. Le pire, ici, ce n'est pas le manque de liberté... C'est plutôt la nourriture!

Vous allez dire que si l'on veut survivre, il faut se forcer. Mais notre problème n'est pas la survie, mais le bien-être. Plus c'est ignoble, plus on pense aux repas familiaux, plus on a mal... Je crois que c'est la pire des tortures. La seule chose qui me rende heureux, c'est salaud, mais bon, je suis quand même un criminel, c'est qu'il en existe qui n'ont jamais connu cela ou qui l'ont perdu, sans n'avoir commis aucun crime!

La peur.

Ses talons battaient le rythme de ses pensées. Dans son sac, elle portait toujours une arme. On ne sait jamais. Chaque personne est un violeur, tueur ou racketteur latent Elle le savait, car elle en avait connu, des hommes. Tous des bandits. Déjà , à treize ans, elle avait du supporter les envies de son père. Un exemple, celui-là , de la race des hommes. Heureusement, depuis qu'elle savait se défendre, il n'avait plus essayé de la toucher. Toutes ces pensées ne faisaient que renforcer la poigne de sa main sur son revolver. Ses phalanges blanchissaient dangereusement.

Elle essayait vainement de se rassurer: " T'es bientôt arrivée, chérie... Ils n'oseront pas... T'es trop forte. " Mais la nuit tombait inexorablement. Et la maison était encore loin. Seul>

Soudain, des cris s'élèvent, sauvages.

Terrorisée, elle se mit à courir en se débarrassant de ses talons, armé de son pistolet. Elle n'osait pas s'arrêter. Les cris semblaient la poursuivre impitoyablement. Elle se rendit compte qu'elle criait aussi. La terreur nouait ses entrailles, emplissaient son cerveau, s'étant emparé d'elle, la laissant spectatrice gémissante. La banlieue s'était transformé en une arène, elle en était l'enjeu, le minable enjeu.

Adossée à un mur, elle tentait désespérément de reprendre son souffle, agrippant son arme avec une force incroyable. Les hurlements ne s'étaient pas arrêtés, et ils montaient en puissance comme si le moment crucial était proche. Elle se remit à courir comme une folle jusqu'à son immeuble.

En larmes, les habits déchirés par la violence de sa course, les pieds en sang, elle découvrit la porte de son immeuble ouverte, encadrant à peine le concierge. L'arme au poing, elle le dévisagea, le forçant à s'écarter, Pour s'engouffrer dans l'ascenseur qui le mènera à son appartement. Le concierge, dépité, referma la porte er rentra chez lui.

" - Qui était-ce, chéri?

- La folle, celle qui arrive en loques et en sang à chaque fois qu'il y a un match au stade. Je voulais lui dire tu sais, mais elle avait un pistolet. Elle me fait pitié...

- Mais si seulement les supporters ne criaient pas aussi fort... Un jour, elle tuera quelqu'un! Téléphones à la police!

- Je ne peux pas! Elle est trop mignonne pour aller à l'asile! "

EGOISME.

" Pour moi, l'homme est profondément égoïste car c'est ce qui lui permet de survivre dans le monde naturel ou même humain. Cet égoïsme engendre un orgueil sur lequel il se base pour se considérer comme unique et essentiel, car le monde connu disparaîtra pour lui sitôt qu'il mourra.

Cet orgueil est donc un prolongement de l'égocentrisme qui dicte les actes de l'homme. Quand il adhère à une religion, une théorie scientifique, le premier critère sélectionné est la démonstration de la primauté de l'homme sur l'univers naturel. Par exemple, la terre était le centre de l'univers, l'homme n'était pas issu de l'animal, l'homme était maître absolu de lui-même.

Copernic, Darwin, Freud ont démontré le contraire et ont été assez critiqués par ces religions... De plus, la conception d'un dieu bienveillant et doté d'une conscience assimilable à celle de l'homme est peut-être une autre manifestation de cet orgueil.

Pour couronner le tout, toutes les religions pratiquées sont basées sur une gratitude infinie des divinités adorées, comme si l'homme était essentiel dans son individualité par rapport à elles. Alors que si on assimile le corps humain à un dieu dans son infinie composition, on peut saisir l'infiniment petite part d'importance d'une particule par rapport à l'ensemble de l'entité.

Dans ce sens, ne pas faire preuve de vacuité intellectuelle relève de l'égoïsme. Par contre, le développement de chaque fonction propre à la particule peut permettre à l'entité globale de se sublimer.

L'orgueil.

Ah! Aujourd'hui, j'ai la forme. Je me sens on ne peut plus bien! C'est incroyable... Cela m'arrive si peu souvent. Mmh! Bon, on va se calmer... Mais je suis capable de tout, aujourd'hui. Tiens, je vais aller les réveiller. Ohé, debout, c'est l'heure, faudrait peut-être penser à me préparer le petit-dèj', non? Bon, en attendant, je vais à la douche en premier! Je veux de l'eau chaude. Allez, barres-toi!

Ah! Je me suis coupé! Vous n'auriez pas pu réparer ce pommeau? Mais aidez-moi, bon sang! Quoi?!? Vous ne pouvez pas! Pourquoi?

Les résultats de l'analyse du don de sang... POSITIFS!!

MAIS VOUS ETES EN TRAIN DE ME DIRE FROIDEMENT QUE J'AI LA MALADIE! Je vais mourir, Je vais mourir, je vais mourir... Bande de... Je vais crever sous vos yeux et vous ne bouger pas d'un pouce... M'asseoir?! Et pourquoi pas prendre un thé?

A l'hôpital. Je suis sûr qu'ils se sont trompés. Ça ne peut pas être moi...

Oui, bonjour, toubib, alors c'est vrai cette histoire? Oui!

Mais pourquoi moi? Je n'ai rien fait de mal, à ce que je sache!

Alors, pourquoi moi? Et puis il y a tellement de cons sur terre! Vous avez une explication? Allez-y, j'écoute...

Ah, non! Je ne vais pas crever en me disant que c'est la fatalité ou que c'est un moyen d'auto-régulation de la population trop nombreuse! Vous êtes complètement taré! Non, je ne me calmerais pas! Ce n'est pas la peine d'essayer de m'anesthésier... Non, j'ai dit non!

... La perte d'individualité pour conserver un système dont il fait partie est souvent nécessaire, mais l'individualité a tendance à se considérer comme au moins aussi important que le système entier, ce qui... Pourquoi je pense ces conneries? C'est peut-être vrai, mais ici, c'est moi l'individualité! Me résigner... Ce n'est pas con... De toute façon...

LA PREMIERE FOIS..

- Et s'il essaie? Il va sûrement essayer, l'occasion est trop belle. Nous sommes enfin seuls, à notre propre disposition. Mais qu'est-ce que je vais faire? Je n'ai même pas eu le temps d'en parler avec ma meilleure amie. Je suis seule, avec lui. Que diraient mes parents? Non, il faut laisser faire les choses. Et ne pas vouloir jouer au grand, surtout pas... Mais si je suis frigide? Sommes-nous obligés de faire cela?

Enfin seuls, totalement seuls, et maintenant je dois le faire. Je ne dois plus être puceaux alors que j'ai seize ans. Je vais pouvoir en parler, me vanter, quoi! Mais il faut d'abord que j'assure, qu'elle prenne son pied et qu'elle en parle. Et si je n'y arrive pas? Les autres vont rire...

Quelques minutes après, ils se retrouvent seuls dans une chambre, avec un lit, sans sièges ni fauteuils.

Elle est trop loin. Je ne pourrais pas. J'ai peur! Je ne peux pas, pas comme ça, c'est trop préparé, il faut trouver un autre moyen!

Il ne fait rien. Tant mieux, ou tant pis, je ne sais pas, je ne sais plus. Je ne ferais rien pour l'en empêcher. Mais il va entrer en moi, avec sa chose! Et je vais saigner. Et j'aurais mal. Et je serais souillée, pourquoi? Pourquoi faut-il faire cela?

Gauchement, il la pris dans ses bras et il lui fit mal en la serrant trop fort. Il lui fit encore plus mal après. Il avait peur de ne pas faire assez bien. Elle avait peur que cela n'en finisse jamais.

Le moment de ses pleurs fut le moment du plaisir. Il éclata en elle, espérant avoir fait assez bien. Sans aucune idée de pourquoi elle pleurait. Ce devait être normal, non?

Elle pleura longtemps.

Et regretta amèrement.

Il eut peur encore quelques temps.

Mais s'en alla vers ses amis fièrement.

Sans plaisir.

Dix ans plus tard, il et elle faisaient l'amour avec sans aucune question ou inhibitions, ni plaisir mais avec bonheur et amour...

Avaient-ils besoin de dix ans?

LA JUSTICE.

Orphelin. Depuis trente et un an, il est seul. Sans ami, sans amie. Il n'a jamais connu l'amour, la foi ou même la possibilité de voir la vie en rose. On ne lui a pas donné ces chances. Et encore moins les capacités. Doit-on accuser la nature, la société ou Dieu?

A quoi cela servirait-il?

Il ne serait pas plus heureux...

Voilà donc un homme malheureux. Totalement malheureux. Je ne saurais dire si on peut l'être plus, mais il l'est déjà assez pour avoir le droit de chercher chaque jour du plaisir. Mais il est dur de chercher ce que l'on ne connaît pas!

Riche, belle et intelligente. Depuis vingt ans, elle nage dans un bonheur et un confort impressionnant, auquel elle arrive même de temps en temps à s'habituer et à se plaindre. Qui ne l'envierait pas?

Son plaisir est perpétuel, elle n'en connaît même pas l'absence. Incroyable? Non, plausible et invisible.

Leur rencontre est fortuite. Un soir de fête. Il est dans la rue, pour faire la manche journalière et dormir... Elle est dans la rue, rentre d'une soirée dont elle était le principal objet, entourée d'hommes pleins d'attentions...

A son passage, le mendiant sent le désir monter, le plaisir le titiller de sa main si fragile et si douce... Elle ne le voit pas. Lui, commence à saisir la puissance et le pouvoir du plaisir remplir ses sens et le combler. Il sent qu'il peut le connaître facilement. Il laisse alors son instinct le guider. Dès qu'elle le voit, elle fait mine de vouloir traverser: Il n'appartient pas à son monde du plaisir. Il la hèle et émets un borborygme incompréhensible. Elle fuit, elle sent la peur en elle, elle veut oublier, masquer cette réalité.

Et par cet homme, le déplaisir posa sa lourde main puante sur son épaule magnifique.

Pendant quelques secondes, ils avaient échangé leur rôle face au plaisir... et au déplaisir.

LE CHIEN.

Deux yeux traquant sans cesse, emplis d'une tristesse indéfinissable, où l'inquiétude perce, attirent plus le regard que tous les simulacres oculaires humains. Pourquoi cette paire d'yeux me fascine et m'inquiète?

Parce qu'elle appartient à un chien?

Non,

Plutôt parce qu'elle remplace une paire humaine. L'aveugle caresse avec respect son meilleur ami. Pas son instrument le plus utile. Mais jamais, et il le sent bien, il ne pourra lui rendre tout ce que le chien lui donne. Et il ne pourra jamais le libérer de son carcan de métal. Le besoin est trop grand. Le chien lui donne non seulement ses yeux, son intelligence et son assurance, mais aussi sa vie tout entière. C'est le don le plus grand. Sous d'autres espèces, il mériterait la sainteté.

L'aveugle, dans l'angoisse perpétuelle de ne pas voir cet environnement si hostile, vit la peur au quotidien. Seul>

D'autres, voyants, eux, ne verront jamais cela, et s'amusent avec le chien comme avec un pot de fleur, une télé... ou d'autres humains... Viens-là que je te caresse à Noël et que je t'enferme en été...

Et le chien regarde son compatriote, ce guide magnifique, avec envie, avec tristesse.

Et L'aveugle voit avec son coeur le don de son chien, à qui il voudrait pouvoir tout donner, sans jamais pouvoir le faire, avec tristesse.

Et je regarde cela avec tristesse... et l'envie de fermer les yeux...

Pour mieux voir.

SANS AMIE.

" La vie est étrange comme je suis étranger à la vie normale. Pourquoi faut-il vivre? Parce qu'il faut continuer ce qui a commenc@?à! Quel est le sens de la vie? Y'a pas de sens au mot sens! Je dois être masochiste à me tourmenter ainsi...

( Ça vous dérange si je mets de la musique?)

Parce que ça ne sert à rien, vous ne croyez pas? C'est vrai, j'oubliais! Vous ne pouvez pas parler! Mais je me demande bien ce que vous pensez de la vie après la mort... Vous la voyez barbue, nymphatique ou plutôt pleine de néant? Ha! Ha! Que vous êtes naïve!

Et c'est pour ça que je t'ai choisie, car je peux te tutoyer, n'est-ce pas? Mmmh! Je sens que ce soir sera spécial, je suis dans une forme extraordinaire! Quand je pense à tous ces minables qui se foutent de moi, je vais leur montrer de quoi je suis capable! Et ce n'est pas rien! Loin de là . Ha! Comme je m 'aime... Et toi aussi tu vas apprendre à m'aimer!

Ce n 'est pas la peine de bouger comme ça! Tu ne t'enfuiras pas. Vaux mieux que tu t'habitues, sinon te dresser pour que tu me combles sera douloureux. Tu sais que t'as de jolis yeux, ma belle. Ha! Ce que je donnerais pour t'avoir rencontré sans avoir à te forcer! Comme dans les films!

Mais un jour tu me seras fidèle! Et quand tu me verras ou me sentiras revenir, le soir, ton regard s'emplira d'amour, et non pas de haine féroce...

Et tu m'aboiera joyeusement! "

NOBLES PASSIONS

" - Madame, je vous aime. "

Ces quelques mots, jetés avec ardeur par le jeune Valentino, suffirent à jeter un grand trouble dans le coeur de Julia. Pourtant, comme elle aime à se le répéter, elle est mariée au noble Romano, qui jouit des meilleures qualités du monde: riche, beau, intelligent et plein d'attention pour elle, que peut-elle rêver de plus? Ce Valentino, un simple enfant, tout juste seize ans, encore plongé dans le tourment de sa jeunesse et l'incertitude de ses sentiments; comment peut-elle lui prêter la moindre attention? C'est vrai qu'il est mignon quand il se met à rougir ou qu'il tremble de sa présence... Et Romano qui ne voit rien! C'est pourtant évident, mais du haut de sa supériorité, il ne fait que régner et accepter l'adoration et autres vénérations sans porter attention à sa femme. Ah! Quel immonde mari elle a là , comparé à cet innocent petit Valentino, qui a au moins le mérite de s'intéresser à elle.

Ha! Ça y est, je la tiens, cette salope de Julia, mhmmh! Je pressens le plaisir d'ici... Avec mon petit jeu du chérubin en adoration, aucune n'a jamais pu me résister! Et elle n'y échappera pas, malgré la perfection de son mari. Car il faut le remarquer, il a la classe, cet homme! On peut sans peur assurer qu'il l'aime d'un amour fidèle, loyal ou chevaleresque même... Et cette Julia qui va le trahir sans remords! Oh, il lui pardonnera sûrement mais j'y aurais mon compte!

Pourquoi donc notre amour doit-il être mis à l'épreuve? Nous étions si bien. Chacun aimant l'autre sans rien attendre d'autre... Mais voilà que ce jeune libertin de Valentino... Et elle qui croit que c'est un charmant petit ange... Enfin. Si elle m'aime vraiment, elle saura se débarrasser de cet importun. Sinon, le jour où il se débarrassera d'elle, je devrais aller la ramasser sur le trottoir, lui pardonner, oublier ses souillures et essayer de la séduire à nouveau. Mais si elle me déteste... Ma vie n'aura plus de raison d'être...

FISSION.

-Là Viens, je t'attends " Combien de fois avait-il pu répéter cette phrase? Lui-même n'en savait rien. Et chaque fois, elle faisait la moue et répondait tranquillement un " Je voudrais peut-être " ou un de ses fameux " Je ne sais pas, tu sais, j'ai plein d'autres choses à faire... " Mais il avait toujours attendu. Toujours. Elle était venue quelques fois, comme si la rareté de ses visites augmentait leur valeur...

- Un autre homme attendait de façon amoureuse la même jeune fille. Il était accroché à elle comme par des chaînes. Il était comme son esclave. Combien de fois avait-il pu pleurer quand elle n'était pas venu? Ah! Comme il souffrait! Encore une fois, il se demandait pourquoi il se faisait aussi mal, volontairement. Mais il ne pouvait se résoudre à s'en séparer. Alors il attendait sans autre occupation que de penser à elle tandis que le temps semblait s'allonger démesurément...

- Je n'ai rien de plus important qu'elle, se disait un troisième, et je ne l'ai pas vraiment. Je ne suis rien et elle est tout... Encore ai-je de la chance qu'elle veuille bien s'occuper de moi! Pitié ou jeu, je ne sais pas... Mais elle ne vient toujours pas...

- Elle marchait tranquillement vers un petit magasin de vêtement, hésitait entre tel et tel décolleté. Avec celui-là , personne ne saurait lui résister. En chemin, elle pensait à qui elle pourrait bien accorder sa présence... Elle les aimait bien tous les trois, bien qu'ils soient collants. Elle décida d'un ordre de visite alphabétique. Mais, elle ne les trouva pas. Chacun s'était perdu dans ses pensées. Puis, ils étaient partis à la recherche d'eux-mêmes, enfin libéré d'elle...

Elle pleura, pour la première fois depuis très longtemps...

ET SI MAMAN?

" - J'adore rentrer de l'école " pensait l'enfant qui se baladait tranquillement dans les rues calmes de Paris. Il avait hâte de revoir sa mère, sa belle mère qu'il aimait tant. Elle seule savait le consoler, lui dire les mots qu'il fallait pour l'apaiser dans ses crises. Il était épileptique et ses fréquentes crises apparaissaient régulièrement. Rien que de penser à sa mère adorée, il pressa le pas, courant presque...

Souvent, pendant le long trajet de sa maison à l'école, il sentait monter en lui une angoisse atroce, inquiétante. Qui aiderait Maman si elle était blessée, et qu'elle souffrait atrocement? "

La peur au ventre, les larmes aux yeux, il courait à perdre son souffle. La maison avait l'air calme, mais on ne pouvait se fier à de simples apparences. Il entra.

Il la vit tout de suite. Elle était assise sur son fauteuil préféré. " Mam...Oh... tu dors... " Pour ne pas la réveiller, il monta dans sa chambre, sur la pointe des pieds, rassuré. Il défit son cartable et se mit à travailler, dans la joie tranquille de savoir sa mère bien portante: " Il faut que je travaille pour que ma mère soit fière! " Et il s'acharna durant des heures à des multitudes d'exercices, alors que d'autres se seraient contentés de cinq minutes de travail pour avoir l'esprit tranquille. L'heure de dîner sonna. Personne dans la cuisine. " Étrange." Elle dormait toujours. Il était tenté de la réveiller, pour pouvoir se blottir dans ses bras si réconfortants. Mais elle avait l'air si fatigué qu'il trouva la force de résister. Une idée géniale le conforta dans cette voie: " Et si je la réveillait avec l'odeur du dîner? Elle sera contente! " Il fit la cuisine avec des casseroles brûlantes et de l'eau bouillante, sans se rendre compte de danger. Il mit la table. Et répandit l'odeur. Mais la Maman dormait toujours. Il décida, à contre-coeur de la réveiller. " Maman, douce Maman, réveilles-toi, réveilles-toi " disait-il en secouant légèrement son tendre bras. La Maman bougea alors, tombant à terre, comme un cadavre.

Elle était morte.

De fatigue, de vieillesse ou de maladie,

elle était morte.

L'enfant pleura et se blottit dans les bras de sa mère...

POURQUOI?

CLASSES.

Imaginez une classe d'élèves jeunes , en même temps assez vieux pour réfléchir sur leur vie. Un élève se lève, il s'appelle Dalibor. Dans le cri qu'il pousse soudainement se révèle sa terreur, sa souffrance et sa haine. Aucun de ceux présent n'avait jamais entendu tel cri, tout droit sorti des enfers.

Une minute après, personne n'a encore bougé. le professeur réussit à se lever, et va chercher le proviseur. Entre-temps, Dalibor sort et fume une cigarette tranquillement. Il attend. Voilà la troupe de cirque, on peut notamment distinguer le psychologue, l'assistante sociale, et bien sûr le proviseur suivi par le professeur. Tous quatre indignés et le visage empreint de la même gravité pseudo-paternelle

Dalibor doute, aura-t-il le courage d'essayer de leur parler de tout cela ? c'est si personnel et si dur à expliquer. De plus, il n'existe pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre. Mais avant qu'il n'ait pu parler, la troupe se met à parler gravement de choses futiles, à poser des questions idiotes auxquelles ils répondent aussitôt, et ainsi de suite...

Qu'est-ce qui ne va pas ? Des problèmes de familles ? Non, tu vois bien que ce n'est pas ça ! Des problèmes de coeur, Hein ? Petit coquin, c'est normal à ton âge... Mais on devra te punir quand même ,sinon tout le monde pourrait faire comme toi, et là ... J'espère que tu ne te drogues pas, hein ? Parce que là , tu aurais besoin d'aide... Non, écoutez, on va appeler ses parents et ils sauront s'occuper de lui.

Là , Dalibor explose : " TAISEZ-VOUS, s'il vous plaît. J'aimerais pouvoir m'expliquer. Si ça ne vous dérange pas trop dans vos discussions .

Voilà , je n'ai plus envie de rien, le plaisir, la souffrance, c'est itou pour moi. Rien à foutre ! Rien sauf l'ennui le plus total. Tous vos buts, tous vos travaux, tous vos jeux, vos connaissance m'ennuient. Pourquoi tout cela ? Ma vie n'a aucun sens. Alors qu'avez-vous à dire ? Vous allez encore gazouiller comme tout à l'heure ? Alors ?

DOLCAE VITAE.

Les nombreux reflets du soleil sur le lac produisaient un chatoiement bien connu des animaux sauvages de la région. Mais il en profitait bien plus. Car la présence de sa petite amie ne faisait que sublimer ce moment parfait.

Le silence planait sur cette pause du temps comme une ombre bienfaisante. Cette beauté inhumaine le rassurait et le fascinait. Elle incarnait tout ce que ses parents avaient toujours rejetés.

Il se rappelait un jour, alors qu'il percevait la force de la beauté naturelle par la méditation, son père le gifla, et sa mère le sermonna sur ses activités bouddhistes , qu'elle assimilait à une secte horrible. Horrible, car différente de sa religion qu'elle avait essayée d'inculquer par la force à son fils, comme pour se rassurer sur sa validité.

La tiédeur de la nappe sur laquelle il était assis le ramena au présent. Ses parents disparurent, laissant la place à son amie bien plus en chair que ses pensées. Il brisa donc ses réflexions pessimistes pour se lancer dans une lutte bienheureuse.

Mais laissons-les à leur ébats, voulez-vous, pour voir une autre forme d'amour, moins idyllique. Une lutte plus rude que la précédente, tout en étant moins partagée.

A coups de poings sur sa femme, cet homme se donnait du plaisir. Stop ! Arrêtez de vous imaginer un être boursouflé et sadique, alors qu'il ne s'agit que d'un employé banal, voire aimable. Cher lecteur, écartez-vous des chemins trop vite tracés menant invariablement aux préjugés hâtifs. Maintenant, vous pouvez vous l'imaginer réellement, si je puis dire ! Mais ne nous rapprochons plus de ces deux-là , l'horreur a des limites qui sont malheureusement bien humaines.

La morale de tout cela ? Qui a dit que c'est un récit de morale ? Je me contente de faire preuve de réalisme dans un monde o@?à l'imaginaire est le plus grand des refuges. A ce sujet, allons donc à la recherche d'un pessimiste qui se dit réaliste.

Ah ! Voilà une fête, et donc celui que je cherche. Il est là à chaque soirée, cocktail, boum... Le pessimiste invétéré. Écoutons-le donc penser :

" Pourquoi être joyeux et ridicule comme tous ces abrutis ?

Pour eux la vie est peut-être belle, puisqu'ils sont payés, ils ont un lit douillet, sûrement réchauffé par l'amour de leur vie. Ils se sont inventés un dieu qui les aime, ils n'ont ni remords ni inquiétudes ; Le bonheur, quoi ! Alors que moi je n'ai que seize ans et je ne sais toujours rien faire de mes propres mains. Je ne fais que suivre des cours abstraits où tout le monde s'ennuie. Mon futur est inexistant, ça m'angoisse. Je cours après des illusions pas assez crédibles à mon goût. Serais-je toujours seul, sans personne à qui parler ?

Je pense bien les envier, ces ouvriers fortunés. Et ils continuent à danser, comme s'ils y gagnaient quelque chose. Dégoûtants, mais enviables, trop enviables . Qu'est ce que j'aimerais être l'un d'eux, et vivre sans peur du lendemain...

ET ils continuent ! Ils s'amusent pour me ridiculiser, je le sais. Mais moi, je ne suis pas idiot, je suis même plus intelligent qu'eux "

Moi, moi, moi, je me moie en me moimoyant !? Mais c'est qu'il ne s'arrête jamais, celui-là ! Ouf ! Heureusement, la fête continue sans prêter attention à cet adolescent, qui voudrait tout pour lui, sans rien faire. C'est beau la vie, mais il ne faut pas trop en demander !

La danse reste effrénée et le rythme endiablé, un grand feu éclaire les danseurs, les murs sont drapés avec des tapis orientaux, les consommables vont du vin de Bacchus aux herbes diaboliques. Chacun rêve être dans un monde nouveau sans soucis. Car la lutte pour sortir de notre monde est bien connue comme étant rude, l'aide n'est pas inappréciable. Ils se débattent comme des fous.

Et cette folie, vue de l'extérieur, fait peur. L'adolescent, assis près d'un arbre sans âge, ne compte pas parmi ces fous, peut-être par fierté, par peur ou par idiotie. Le feu central ressemble à une colonne soutenant la voûte céleste.

Un des danseurs, âgé de trente-cinq ans, nous intéresse tout particulièrement, écoutons-le donc penser, pendant qu'il se repose un peu :

" Elle est bonne, cette petite Suzanne. Dommage que je sois marié. Et que j'ai une fille.

Il ne connaît pas sa chance, ce gamin, le penseur qui tire une tête de désespéré. Elle le reluque depuis le début, et lui, il ne fait que penser. A sa place je serais trop heureux. Pas obligé de bosser toute la semaine pour gagner des clopinettes.

Tiens, je vais lui dire, il sera content ! Non, non, il va me prendre pour un péquenaud, un bouseux ,quoi !

Et puis il est assez grand pour se débrouiller tout seul, non ? Allez savoir quels soucis on peut avoir à son âge... Hé ! C'est le passage à l'âge adulte, où le sexe est roi ! Allez dansons ! Ça m'occupera, cette fête, c'est ma seule liberté, alors il faut que j'en profite ! ! "

Et il reprit le chemin de la fête insouciante, sans remords, mais plein de regrets pour son adolescence. Regagnons notre vue d'ensemble.

La fête continue, des couples s'évanouissent dans de moelleux fourrés, le feu baisse. Les étoiles éclairent la scène, de même que la moitié de notre vieille terre.

Elles étaient, sont, seront et que nous importe l'infini puisque nous sommes finis. L'infinité des étoiles ne changera rien à la mort. Et tous nos actes, émotions, désirs ont-ils vraiment une quelconque importance ? L'univers ne s'arrêtera pas si un singe devenait le maître de la terre.

Alors ? Je dis " si " parce que je ne suis pas un dieu, pas même pour ce livre. Je ne suis qu'un homme et c'est déjà beaucoup... Ce sont des pensées qu'oublient bien souvent nos chers dirigeants. Allons donc voir les pensées d'un de ceux-là pendant qu'il travaille à son discours, dans son majestueux bureau :

" L'homme n'est pas apparu sur terre. Il est le produit d'une longue évolution. D'abord regroupés en clans aux objectifs de survie immédiate, il s'est peu à peu développé sous l'égide de chefs, dont la sagesse ou la force motivait leurs actes égoïstes.

Ces chefs ont vite pris conscience de l'instabilité de leurs pouvoirs. Alors ils se sont institués comme les tenants nécessaires d'une mission aussi indéfinie que mal appliquée.

De cette évolution, nous retenons deux événements essentiels: La nécessité des lois et la hiérarchisation de la société en trois classes distinctes.

La classe dirigeante, dont l'unique but que nous pouvons constater est la préservation de ses privilèges; la classe moyenne est motivée par l'obtention de ces privilèges ; et la classe dirigée qui les subit.

Cette situation instable a provoqué de nombreuses révolutions sanglantes inutiles, des guerres sans intérêt et la vaine prise de conscience de la situation.

Car malheureusement aucune autre configuration n'a pu s'établir, à cause de l'égoïsme général des humains trop attachés aux plaisirs personnels. De plus, l'éducation, qui permet l'adaptation à cette société, amplifie ce sentiment pour motiver le travail.

Beaucoup de penseurs ont proposé de nouvelles formes d'esprit, mais leur combats ont été vains, à cause de l'inertie et de l'égoïsme exacerbé des dirigeants. En établir une nouvelle demanderait de la part de chacun une volonté que nous n'avons pas naturellement.

La science apporte cette volonté, grâce aux moyens techniques élaborés dans le but de faciliter la prise de l'homme sur la réalité. Ainsi , il nous est donné la possibilité d'agir, d'être, et de ne plus subir le poids d'erreurs vieilles de millénaires. Une nouvelle révolution mentale s'impose, ne nécessitant que la volonté de bonheur comme arme.

Fini le discours... Ils voulaient du nouveau, en voilà . Bon, effrayés par les efforts qu'on leur demande, ils vont fermer les yeux si j'augmente tranquillement les impôts sans rien changer.

Et comme ça, je pourrais construire une nouvelle villa pour moi et Delphine. Et voilà pour le sexe... Ma femme n'y verra que du feu, comme d'habitude. Bon, il va falloir que je soudoie aussi les gardes du corps. Ça ne s'arrête jamais ? Qu'est ce que j'ai fait au bon dieu pour mériter ça ? Heureusement que je m'offre des compensations, sinon où irait-on ? Et oui, je suis président, président, PRESIDENT, mais au fond je n'en ai jamais douté, avec tous les pigeons qu'il y a sur terre, c'était forcé. AH ! ma petite secrétaire... on a le temps ? Oui... Alors viens ma petite... "

Jolie, la présidence, je ne me l'imaginais pas comme ça ! On m'avait parlé de pornocratie, d'orgueil et d'égocentrisme, d'énormes mensonges, mais naïf que j'étais, je n'y avait pas cru. Ils font tout ce qu'ils peuvent pour le devenir et le rester, même s'il faut être un diable. Heureusement qu'il faille encore satisfaire un minimum le peuple pour cela. Mais nous nous égarons là en de bien basses considérations. On se perd complètement.

LE BUCHER.

Lettre d'une secte aux autorités: " Depuis trois longues journées déjà , nos membres tracent dans l'air les mêmes gestes, inlassablement.Oubliés, le froid, la fatigue, la sueur ou les élancements douloureux, seul>

Le gourou s'est enfui avec leur fortune, qu'il s'était fait donner. Original, non?

Il faut le croire puisque le filon est toujours exploité.

Le filon de la peur de vivre, de sa propre responsabilité. Pourtant, Avant de mourir, Cette responsabilité chatouille l'esprit. Alors autant s'y résoudre tout de suite. Et trouver sa voie.

Seul. Comme un grand.

CHANT DE L'AURORE.

En ces modestes temps oubliés où le blé n'était moulu que par les vents favorables, marchait sur une route tracée par les pieds fatigués, un homme silencieux et étrange. Étrange, il l'était assurément, avec ce visage sans âge et cette démarche impériale dissimulés sous des habits dépenaillés et usés par le temps. Seul, il n'était accompagné que par les pensées absurdes défilant à chaque pas. La nuit, peut-être, pouvait prétendre être sa vraie compagne.

Il faisait trop chaud pour marcher le jour, alors il avait préféré la douceur de la nuit à la sécurité lumineuse du jour.

Le début de sa longue marche avait été plutôt facile, malgré la lenteur incroyable à prendre le rythme efficace, mais il se sentait bien et plein d'entrain. Au minuit de sa marche plus rude, il avait été contraint de lutter contre sa volonté, la vétusté du chemin, la peur des bruits nocturnes et les désirs fous.

Mais maintenant, son esprit trop lucide s'embuait de mille pensées absurdes et sans intérêt, qui arrivaient même à briser le rythme de sa marche. Par moments, il se demandait même pourquoi il marchait. Tout cela n'avait pas de sens! Et pourtant il ralentissait, perdait son entrain et rêvait même de ne plus marcher. Fatigué, il ne l'était pas, mais le jour allait bientôt se lever et il serait bientôt obligé de s'arrêter, et cette perspective semblait ordonner à son corps de se sentir las... Il ne savait que faire. Et toujours, les idées absurdes l'assaillaient sans cesse. Alors il fit comme beaucoup de ces vieux habitués de la marche:

Il chanta,

pour retrouver le rythme de la marche, pour garder son entrain, pour oublier ces pensées absurdes, pour ne plus avoir peur.

Et l'aurore arriva pendant qu'il chantait, mais il ne s'en aperçut pas:

IL MARCHAIT TOUJOURS.